La Tijaniya dans la lumière

Publié le 8 juillet 2007 Lecture : 3 minutes.

D’habitude, les affiliés de la Tijaniya, grande confrérie musulmane et soufie – c’est-à-dire centrée sur la spiritualité et l’ésotérisme -, se réunissent dans le calme et la discrétion d’une mosquée pour prier et prononcer les dikr (répétition jusqu’à l’extase de formules liées aux différents noms de Dieu). Ceux qui en ont les moyens partent en pèlerinage à Fès, au Maroc, sur le tombeau de leur guide spirituel : le Cheikh Sidi Ahmed al-Tijani (1737-1815). C’est dans cette ville, qui est à la fois capitale spirituelle et creuset de la culture marocaine, que le roi Mohammed VI organise cette année pour la première fois depuis 1985 un vaste forum sur l’avenir et le rôle de la Tijaniya. Du 27 au 30 juin, plus d’un millier de cheikhs, oulémas et étudiants tijanes ont été les invités du royaume chérifien. Le ministère des Habous et des Affaires islamiques a pris à sa charge tous les frais de l’événement.

L’arrivée des participants à l’hôtel luxueux qui sert de cadre au forum sidère les employés. Car même dans la ville aux 400 mosquées, la vague de blanches djellabas, mêlée de nombreux boubous multicolores, qui submerge le hall d’entrée a de quoi surprendre. L’émotion est totale. Un cheikh nigérian particulièrement vénéré provoque une bousculade d’admirateurs qui veulent le prendre en photo. Il est entouré d’une ceinture de fidèles qui le protègent et chantent à tue-tête : « La ilaha ilallah » (Il n’y a de dieu que Dieu), comme pour minimiser son indécent succès L’atmosphère, décidément, ne ressemble pas à l’image humble et austère qu’on peut avoir de la Tijaniya. À grand renfort d’éclats de rire et de « Salaam Aleïkoum », les retrouvailles fraternelles correspondent pourtant bien au rôle de passerelle entre le nord et le sud du Sahara que joue la Tijaniya depuis ses origines. Mais aujourd’hui, celle-ci dépasse largement le cadre de l’Afrique. Elle s’étend au Proche- et au Moyen-Orient, à l’Europe, à l’Asie, et même à l’Amérique du Nord, où beaucoup de musulmans afro-américains y voient le moyen de se rapprocher du continent de leurs ancêtres. Bref, c’est une « communauté » mondialisée, totalisant des dizaines de millions de membres

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Dans le hall, le calme revient peu à peu. Les invités, prévus au nombre de 1000, sont finalement plus du double ! L’organisation est victime de son succès, et une fois les dernières mises au point réglées, le forum peut ouvrir ses portes et les orateurs se multiplient à la tribune. Mais les sujets programmés comme le rôle socio-économique de la Tijaniya ou celui du Maroc dans les relations interafricaines ne sont pas réellement abordés. Autre regret, les participantes sont peu nombreuses. Seules deux d’entre elles prennent la parole, et encore, pas en arabe. Elles ne sont donc pas comprises par la majorité des arabophones qui ne sont pas munis d’une oreillette de traduction. « Le message des femmes musulmanes mériterait plus d’attention », soupire une cheikha au fond de la salle.
Il reste cependant le cur des propos : l’affirmation d’un islam de paix, tolérant, qui suscite à chaque fois moult « Allahu akbar ! » lancés par quelques-uns et aussitôt repris en cur par la salle. « Nous devons montrer à la société que l’intégrisme n’est pas une solution », jubile un journaliste marocain. Les principales télés arabes, comme Al Jazira ou Al Arabiya, sont présentes. Donner une visibilité à la Tijaniya, placée sous le feu des projecteurs médiatiques, apparaît donc comme la principale raison d’être du forum. Ici, on martèle qu’il n’y a qu’une seule « guerre sainte » : celle que chacun doit mener contre son diable intérieur. Une leçon pour tous. Musulmans ou non.

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