Immigrés porteurs d’eau

Publié le 8 juillet 2007 Lecture : 2 minutes.

De retour en Europe après un séjour de plusieurs semaines au Maroc, la première chose qui frappe le pauvre voyageur, la première chose qui le frappe, c’est une rafale de vent et de pluie, en plein visage : vlan !
Hier, ce sont des millions de tonnes d’eau qui se sont abattues sur les Pays-Bas, alimentant les canaux, les rivières, les mares, la nappe phréatique ; tellement d’eau qu’on se demande par quel miracle ce pays ne s’est pas encore dissous, comment il n’a pas été entièrement lessivé et n’a pas disparu dans la mer du Nord.
Alors le voyageur, trempé jusqu’aux os, suffoqué, liquéfié, pense aux étendues arides du plateau de Tadla qu’il a laissées derrière lui, sans même parler du désert au sud de Tan-Tan ou de Casablanca, ville de quatre millions d’habitants où il n’y a pas la moindre rivière, pas le moindre étang, même pas une flaque pour que les mômes s’y amusent en éclaboussant les passants.

Et il vient alors au voyageur une idée simple dont il se demande pourquoi personne ne l’a eue avant lui. Une idée simple mais géniale : pourquoi ne pas obliger, par une loi spéciale, chaque Marocain résidant à l’étranger de ramener au pays, chaque année, une certaine quantité d’eau ? Disons, pour fixer les idées, 50 litres. De toute façon les Marocains ont toujours des excédents de bagages, alors 50 litres d’eau de plus, quelle importance ? Et puis, en cas de choc, les bonbonnes d’eau pourraient servir d’airbag (ne me demandez pas comment l’eau se transforme en air).
Pour les tout-petits, on mettra pour les distraire un petit poisson rouge dans le sac de plastique qui contiendra leur contribution, réduite à 5 litres. Joie et liesse assurées pendant le voyage.

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On voit d’ici l’espèce de fleuve motorisé véhiculant à travers les autoroutes européennes les clapotements furieux de l’eau prisonnière, les trombes, les ressacs et les courants. Les livres de géographie devront s’adapter :
– Quel est le plus long fleuve du Maroc ?
– L’autoroute Madrid-Algésiras.
Vous me dites :
– Ton plan est stupide. Qu’est-ce que 50 litres d’eau par an et par personne ? Même si tous s’y mettent, ça ne fera jamais que 150 000 mètres cubes par an pour un pays grand comme la France et demie, soit pas grand-chose.
On peut toujours compter sur vous pour jouer les rabat-joie Merci pour la douche froide ! Je vous réponds quand même ceci : en fait, c’est surtout l’aspect psychologique de l’affaire qui m’intéresse. Contraints et forcés de trimballer 50 litres d’eau jusqu’à Tanger ou Nador, les Marocains gâtés par l’exil mouillé d’Europe prendront conscience de l’importance du précieux liquide, qu’ils ne gaspilleront plus pendant leurs vacances. Toujours ça de gagné !

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