Algérie : opération séduction

Publié le 8 juillet 2007 Lecture : 4 minutes.

Qu’il s’agisse de Valéry Giscard d’Estaing, de François Mitterrand ou de Jacques Chirac, la visite officielle d’un président de la République française a toujours eu une saveur particulière en Algérie. Il en sera tout autant, sinon plus, le 10 juillet, avec Nicolas Sarkozy. Outre la passion qui a toujours caractérisé les relations entre Paris et son ancienne colonie, la personnalité du nouveau chef de l’État français intrigue au plus haut point dans les rues d’Alger. Le quidam s’interroge sur la versatilité de l’ex-premier flic de France. Ministre de l’Intérieur, Sarkozy s’était vu affublé d’un sobriquet de ce côté-ci de la Méditerranée. Il était devenu « l’homme qui expulse plus vite que son ombre ». Durant la campagne pour la présidentielle française, le candidat avait ensuite incarné le risque d’un nouveau durcissement de la politique des visas (30 % des demandes algériennes sont rejetées chaque année).
Mais, divine surprise, le successeur de Jacques Chirac à l’Élysée ne ressemble guère à l’homme qui voulait « nettoyer au Kärcher » les banlieues qui abritent la majorité de la communauté algérienne de France. Comme s’il cherchait déjà à mettre en uvre la confidence faite par l’ambassadeur de France à Alger, Bernard Bajolet, en juin dernier, qui affirmait que le nouveau président allait « surprendre les Algériens » Successivement, en effet, Sarkozy ouvre son gouvernement en nommant des ministres issus de l’immigration, évoque un partenariat d’exception en lieu et place du traité d’amitié envisagé par son prédécesseur, et suggère la création d’une Union méditerranéenne.

De toutes ces initiatives, c’est sans doute la dernière qui sera au cur des discussions lors du déjeuner offert par Bouteflika à son homologue français le 10 juillet. L’idée suscite, en effet, une grande curiosité du côté d’Alger. Malgré leur participation assidue aux sessions du dialogue « 5+5 » (Portugal, Espagne, France, Italie, Malte, côté européen ; Mauritanie, Maroc, Algérie, Tunisie et Libye, côté maghrébin), les diplomates algériens n’ont jamais caché leur scepticisme à l’égard du processus de Barcelone. Dans ce contexte, l’ambition du président français de lancer en Méditerranée un processus institutionnel similaire à celui qui a donné naissance à l’Union européenne retient l’attention.
Mais si l’acier et le charbon ont fondé l’Europe, le ciment de cette future Union méditerranéenne n’a, lui, rien de minéral. Dans l’esprit de Nicolas Sarkozy, ce sont plutôt la lutte contre le terrorisme et contre l’immigration clandestine qui constituent la colonne vertébrale de sa proposition. Bien qu’ils soient moins fréquents, les attentats islamistes restent, en effet, une menace pour la stabilité politique algérienne et constituent le cauchemar de toutes les autorités au nord de la Méditerranée. Paris prend ainsi très au sérieux les menaces proférées par l’émir d’al-Qaïda pour le Maghreb islamique, Abou Moussab Abdelwadoud, contre le territoire français. La mise au pas des départs vers l’Union européenne intéresse, quant à elle, au plus haut point le gouvernement d’Abdelaziz Belkhadem, qui a toutes les peines du monde à donner un peu d’espoir à sa jeunesse. Améliorer le secours des « boat people » perdus en mer, définir les modalités de rapatriement des sans-papiers et promouvoir le développement du continent sont autant de questions que l’Europe aimerait voir réglées de son côté.

la suite après cette publicité

L’énergie devrait être l’autre dossier auquel la rencontre prévue entre Sarkozy et Bouteflika sera consacrée. Partenaire sérieux qui fournit à Gaz de France (GDF) 18 % des besoins du marché français, Sonatrach retient, en effet, toutes les attentions du nouveau locataire de l’Élysée. Leader mondial du nucléaire, la France lorgne par ailleurs avec insistance le programme de développement lancé par Bouteflika qui n’exclut pas le recours à l’atome pour produire de l’électricité. Les opérateurs français sont particulièrement intéressés par la construction de centrales, mais aussi par l’exploitation des formidables réserves d’uranium que recèle le Hoggar, dans l’extrême-sud du pays.
En revanche, il semble peu probable que les deux chefs d’État abordent les questions du Sahara occidental et du devoir de mémoire. À Alger comme à Paris, personne n’a intérêt à voir capoter la première visite du nouveau président français en Algérie. Or, sur ces deux questions, les points de vue sont par trop divergents. Si les officiels algériens continuent de soutenir les revendications indépendantistes du Polisario et de réclamer un acte de repentance de la France pour les crimes commis durant la colonisation, Sarkozy est, lui, sur une tout autre longueur d’onde. Sur la question sahraouie, Paris est plutôt partisan du plan d’autonomie proposé par Rabat. Quant à demander pardon pour les exactions commises par la France en Algérie, Sarkozy se montre encore plus catégorique. « La douleur n’est pas d’un seul côté. Il y en a des deux côtés et chacun d’entre nous doit cheminer vers l’apaisement en vue d’un avenir commun. Il faut se garder des petites phrases et des initiatives qui blessent pour tenter de mieux se comprendre », avait-il déclaré lors de sa dernière visite à Alger en novembre 2006.

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires