Course d’obstacles

Crise ivoirienne, baisse des cours des matières premières, dépréciation du dollar, flambée du baril… Autant de handicaps qui plombent le PIB de la sous-région. Panorama.

Publié le 8 mai 2005 Lecture : 5 minutes.

Nul besoin de lire dans le marc de café pour anticiper l’avenir proche des pays de la zone franc. Les experts de la cellule de prospective de l’Agence française de développement (AFD) ont passé au crible les éléments exogènes crise ivoirienne, baisse des cours du coton, dépréciation du dollar par rapport au franc CFA, hausse du prix du baril de pétrole , mais aussi des critères plus endogènes pour établir leurs prévisions économiques et financières pour sept États de la région en 2005-2006.
Publié fin avril, le document de projections de l’opérateur pivot de l’aide française
dresse, en 158 pages, un panorama plutôt sombre. La progression du Produit intérieur brut (PIB) des pays de la zone devrait atteindre 3,2 % en 2005 et 4,2 % en 2006, un niveau qui ne permet ni de faire face à l’accroissement démographique, ni, partant, de réduire la pauvreté. Outre les répercussions de la crise ivoirienne, l’Afrique de l’Ouest est confrontée à un déficit alimentaire et à une augmentation générale des prix. Les pays pétroliers de la Cemac (Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale) s’en sortent mieux en raison des juteuses retombées de la manne pétrolière. État des lieux pays par pays.

Burkina : capacité de résistance
Le Burkina a montré une impressionnante capacité de résistance aux chocs de la crise ivoirienne. La réorganisation des circuits d’approvisionnement par les ports de Lomé et de Tema, la constitution d’un parc de camions privés venant remplacer la voie ferroviaire Abidjan-Ouagadougou et la diminution des marges des transporteurs ont permis de continuer le commerce sans hausse de coût significative. Néanmoins, le pays devrait être désavantagé à court terme par la mauvaise campagne agricole 2005 et la dégradation prévisible de ses termes de l’échange, liée à la fois à la baisse des cours du coton et à la hausse du prix des hydrocarbures. L’AFD prévoit donc un ralentissement de la croissance, à 3,4 % en 2005 et à 4,6 % en 2006. Les Burkinabè devront se serrer la ceinture : le programme budgétaire table sur la poursuite d’une forte hausse de la pression fiscale. De plus, la tenue de l’élection présidentielle en novembre 2005 ne sera pas favorable à la maîtrise des dépenses publiques.

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Côte d’Ivoire : récession programmée
Les événements de novembre 2004 ont assombri un peu plus l’économie nationale. Le PIB devrait régresser de 3,2 % en 2005 en raison du départ des résidents étrangers, des fermetures d’entreprises et des pertes d’emplois. L’État dispose de marges de manoeuvre très limitées en 2005. Il peut assurer la rétribution des fonctionnaires, mais les dépenses et les transferts courants seront particulièrement limités (en baisse d’une cinquantaine de milliards par rapport à 2004). Les investissements publics seront dérisoires – sur fonds propres -, alors que les dons et prêts des bailleurs de fonds sont de plus en plus rares du fait du non-respect des engagements du pays sur 70 % de la dette extérieure. La consommation par habitant devrait diminuer de 6 %.

Congo : croissance sans développement
Le Congo est encore traumatisé par la longue guerre civile qu’il a connue. Il est devenu un exemple de la malédiction pétrolière si couramment mise en avant dans la littérature sur le développement (depuis 1985, le PIB en monnaie constante stagne, l’indice de développement humain diminue, quoique des millions de tonnes de pétrole aient été extraites). Néanmoins, l’AFD observe une certaine normalisation politique et financière. Le pays a renoué, à la fin de 2004, avec la communauté internationale – on se dirige vers un allègement de la dette congolaise -, et les combats ont cessé depuis quatre ans. Il n’y a plus guère que la région du Pool où l’autorité du président n’est pas encore partout reconnue. Mais ces progrès ne s’accompagnent pas d’une amélioration de la situation économique, donnant à la reprise réelle de l’activité un aspect fragile. En fait, seuls les secteurs pétrolier et forestier dopent la croissance : 9 % en 2005 et 4 % en 2006.

Mali : chocs extérieurs
Les performances économiques du pays pâtissent actuellement de la baisse du cours mondial du coton et du dollar, de l’augmentation du prix du pétrole, de la mauvaise campagne agricole et du tarissement de certains filons des mines d’or. L’inflation devrait atteindre 2,5 % en 2005 en raison de la faiblesse de la disponibilité vivrière. Des tensions sont attendues sur le marché des biens vivriers en période de soudure, et donc une hausse des prix des aliments. Si les bonnes conditions pluviométriques sont au rendez-vous, la croissance pourrait toutefois être plus soutenue en 2006.

Sénégal : un champion aux pieds d’argile
Le BTP, les services, en particulier le secteur des télécommunications et le tourisme, les transports sont les moteurs de l’économie sénégalaise. Doté de finances publiques saines, le pays obtient les meilleurs résultats de la zone Uemoa avec une progression de son PIB de l’ordre de 6,5 % en 2003 et de 6 % en 2004. Cela s’explique par une consommation dynamique des ménages, la bonne tenue du secteur privé et les importants investissements publics. La croissance devrait néanmoins se tasser à 5 % en 2005, et la demande des ménages ralentir du fait d’une reprise de l’inflation (+ 2,2 % ) et de la dégradation des revenus agricoles. Les investissements publics demeureront importants grâce à la poursuite du Pamu (Programme d’amélioration de la mobilité urbaine) et à l’organisation de la Conférence islamique, programmée au début de 2006. Une ombre au tableau : les Industries chimiques du Sénégal, premier employeur privé du pays, sont actuellement en difficulté financière et font peser un risque non seulement sur les exportations et sur l’emploi, mais aussi sur le secteur bancaire.

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Cameroun : le mauvais élève
La conjoncture camerounaise est influencée par le contexte institutionnel difficile que connaît le pays depuis la mise off track de son programme d’allègement de dette en août 2004. Les financements extérieurs sont reportés, la trésorerie de l’État se trouve sous tension – diminution de la dépense publique -, et la pression fiscale augmente sur le secteur privé. Si bien que le pessimisme est de mise chez les hommes d’affaires. Le taux de croissance du PIB ne devrait pas dépasser 3,3 % en 2005. Et peut-être atteindre 5 % en 2006 si les autorités parviennent à convaincre les institutions de Bretton Woods d’alléger le fardeau de la dette. Plus généralement, l’économie camerounaise subit de plein fouet la concurrence nigériane et asiatique. La partie n’est pas facile pour Yaoundé en raison de l’appréciation du franc CFA vis-à-vis du dollar et du naira nigérian ainsi que de la faible compétitivité de l’appareil productif national.

Tchad : les promesses de l’or noir
Le Tchad a bénéficié, en 2004, de ses premières recettes pétrolières. Les retombées ne se feront pas attendre : le taux de croissance devrait dépasser 16 % en 2005. Quand la production atteindra sa vitesse de croisière en 2008-2009, les ressources supplémentaires de l’or noir devraient s’élever à environ 100 milliards de F CFA. Les autorités se sont engagées à utiliser ces revenus pour le développement du pays…

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