À quand l’éducation pour tous ?

Publié le 8 janvier 2006 Lecture : 3 minutes.

« Des progrès significatifs ont été accomplis en vue de l’éducation pour tous (EPT), mais des défis colossaux restent à relever pour atteindre les objectifs fixés à l’échéance de 2015 par la communauté internationale », a déclaré le directeur général de l’Unesco*, Koïchiro Matsuura, lors de la cinquième réunion annuelle du Groupe de haut niveau sur l’EPT (Pékin, 28-30 novembre). Ce groupe est composé d’une trentaine de ministres de l’Éducation et de la Coopération internationale, ainsi que de représentants des institutions financières internationales et d’organisations non gouvernementales. Son objectif est d’évaluer le chemin parcouru depuis le Forum sur l’éducation de Dakar (26-28 avril 2000).
Évoquant les données contenues dans le rapport de suivi**, Matsuura a estimé que près de 20 millions de nouveaux élèves ont été scolarisés dans les pays pauvres d’Afrique subsaharienne et d’Asie (du Sud et de l’Ouest). Mais si la tendance actuelle ne s’améliore pas, la parité entre les sexes ne sera pas atteinte en 2015 dans 86 pays. Et l’éducation primaire ne sera pas assurée pour tous les élèves dans 96 pays. À ce jour, seuls 47 pays ont atteint les objectifs de Dakar et une vingtaine sont susceptibles d’y parvenir d’ici à 2015.
Actuellement, un habitant de la Terre sur cinq (18 %) est encore analphabète, soit 771 millions de personnes âgées de 15 ans et plus, contre 872 millions en 1990. Si de nouveaux efforts ne sont pas accomplis, le monde comptera 765 millions d’analphabètes en 2015 (14,2 %). « L’alphabétisation est un droit et une base pour continuer à apprendre. Elle passe par l’octroi à tous les enfants d’une scolarisation de qualité, par une intensification des programmes pour les jeunes et les adultes et par des politiques créant un environnement propice », estime Nicholas Burnett, le directeur du rapport. Cette stratégie exige des mesures pour accélérer les progrès vers l’éducation primaire universelle (EPU).
De toutes les régions, l’Asie du Sud a le taux d’analphabétisme le plus élevé (41,4 %), devant l’Afrique subsaharienne (40,3 %) et le monde arabe (37,3 %). S’agissant des pays, les plus forts taux sont enregistrés au Burkina (87 %), au Niger (86 %) et au Mali (81 %). Au total, l’Afrique subsaharienne est la seule région où le nombre de personnes ne sachant ni lire ni écrire va augmenter au cours des années à venir : elle passera de 141 millions en 2004 à 152 millions en 2015. Pis, sur les 132 millions de jeunes illettrés dans le monde, 36 millions vivent dans cette région et 12 millions dans les pays arabes voisins…
« Pourtant, le lien étroit existant entre l’alphabétisation des adultes et la santé, le montant des revenus, la participation citoyenne et l’éducation des enfants devraient fortement inciter les États et les bailleurs de fonds à réagir de manière plus dynamique », constate amèrement le directeur général de l’Unesco.
L’augmentation de la scolarisation des jeunes de moins de 15 ans a été insuffisante : 100 millions d’enfants sont exclus, pour une raison ou une autre, de l’école primaire, dont 40 millions en Afrique subsaharienne et 7 millions dans les pays arabes. Ce scandale n’a pas l’air d’émouvoir outre mesure les décideurs politiques, beaucoup plus prompts à déclarer la guerre au terrorisme et au banditisme. Mais ils oublient que ces fléaux sont alimentés justement par l’exclusion scolaire qui frappe toutes les familles, sans distinction de revenus. Les pauvres ne vont pas à l’école parce que leurs parents ne peuvent pas payer leurs frais de scolarité. Les moins pauvres préfèrent que les enfants les aident aux champs, au magasin, dans l’atelier de tapis ou le travail domestique… Parfois, l’exclusion tient à des raisons religieuses ou culturelles (les filles gardent la maison et attendent le mariage).
Facteur clé du développement politique et social, l’éducation demeure souvent le parent pauvre des budgets nationaux et de l’aide extérieure (moins de 2 % des ressources), laquelle privilégie les routes, les barrages et autres projets plus profitables pour les entrepreneurs – et les corrupteurs. Lorsque l’enfant va à l’école, c’est souvent dans un contexte de grande médiocrité : pas de manuels scolaires, pas de tables, pas d’enseignants motivés (faute de salaire, faute de compétences)… Selon le rapport de l’Unesco, l’absence d’environnement propice concerne plus de la moitié des élèves dans la plupart des pays africains.

* Unesco (Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture). ** « L’alphabétisation, un enjeu vital », Rapport mondial de suivi de l’Éducation pour tous 2006, Unesco, 448 pages.

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