La lutte des places

Le renouvellement des comités exécutifs du football continental et mondial est-il un scrutin biaisé au bénéfice des hommes du sérail ?

Publié le 8 janvier 2006 Lecture : 4 minutes.

Trois jours avant le coup d’envoi de la Coupe d’Afrique des nations dans la capitale égyptienne, le 20 janvier, ce n’est pas sur la pelouse du Stade international, mais dans l’enceinte de l’ancien palais du khédive Ismaël qu’une autre compétition décisive va se disputer. Les 17 et 18 janvier, l’instance de régulation du foot africain tiendra sa 28e assemblée générale, au cours de laquelle elle procédera au renouvellement des mandats de quelques-uns de ses membres appartenant aux comités exécutifs de la CAF et de la Fédération internationale de football (Fifa). Un vote qui ne devrait pourtant pas réserver de surprise cette fois encore, car il se déroulera selon un scénario immuable. Le mode de scrutin en vigueur depuis bientôt cinquante ans au sein de l’organisation souffre, en effet, d’un vrai déficit démocratique. Verrouillé par une nomenklatura soucieuse de préserver ses privilèges, il bannit toute forme d’élection décentralisée et ne comprend aucune limitation des mandats.
La CAF divise le continent africain en six zones géographiques (nord, ouest A et B, centrale, centre-est et sud). Chacune d’elle a droit à deux membres au sein du comité exécutif, auxquels s’ajoutent, depuis 2004, deux membres cooptés. Tout candidat à un poste appartient à l’une de ces zones, mais celle-ci ne l’élit pas : il doit solliciter le suffrage direct des représentants des 52 fédérations nationales qui, la plupart du temps, ne le connaissent pas, ignorent tout de son parcours et ne s’intéressent ni à ses idées ni à son projet.
Du coup, le procédé autorise les marchandages et les petits arrangements entre candidats. Premières victimes de ce mode d’élection : les anciens joueurs professionnels, autrement dit tous ceux qui connaissent très bien le foot pour l’avoir pratiqué, qui savent en parler et qui le serviraient probablement mieux que quiconque. Les anciennes gloires Rachid Mekhloufi et Abedi Pelé, respectivement candidats en 2000 et 2004, en ont fait l’amère expérience. Ce qui ne décourage pourtant pas cette année Salif Keita « Domingo », le président de la Fédération malienne de football (FMF), de relever le défi.
Candidat à un poste au comité exécutif de la Fifa, il a pour principaux concurrents le Nigérian Amos Adamu, directeur des sports à Abuja, et surtout l’Ivoirien Jacques Anouma, qui dirige la Fédération ivoirienne de football (FIF) et l’Union des fédérations de l’Ouest de l’Afrique (Ufoa). Après avoir effectué une longue tournée électorale en Afrique de l’Est, ce dernier bat actuellement campagne dans son fief. Et aurait même conclu un pacte avec le président de la CAF : Issa Hayatou se serait engagé à le soutenir cette année, à condition qu’Anouma ne présente pas sa candidature contre lui en 2009, lors du renouvellement du mandat du président de la Confédération…
Face à ses concurrents, « Domingo » n’aborde donc pas le match du Caire à armes égales, car il va lui falloir affronter « le système CAF » et la partialité de son arbitrage…
De leur côté, les deux sortants africains du comité exécutif de la Fifa – le Botswanais Ismaël Bhamjee, qui se représente, et le Malien Amadou Diakhité – auront droit à une rallonge. Leur mandat, qui devait s’achever en 2006, a été prolongé d’un an, conformément à un amendement des statuts de la Fifa adopté le 13 septembre 2005 à Marrakech. Une année de rab qui leur garantit une rente annuelle supplémentaire de 100 000 dollars, à laquelle s’ajoutent indemnités journalières, voyages en première classe et séjours dans des palaces… Tout membre du comité exécutif de la Fifa étant par ailleurs de facto membre du comité exécutif de la CAF, Bhamjee et Diakhité vont avoir droit à une autre enveloppe de 50 000 dollars pendant un an de plus, sans compter tous les autres privilèges et indemnités inhérents à la fonction…
Au niveau de la CAF, c’est la succession au comité exécutif de Mawade Wade, disparu le 14 septembre 2004, qui est en jeu. Faute de pouvoir y présenter un candidat crédible, la Fédération sénégalaise de football (FSF) a ouvert un boulevard à un fidèle de Hayatou, le Guinéen Almamy Kabele Camara, lequel, sauf surprise, distancera ses rivaux Omar Sey (Gambie) et Sombo Izetta Wesley (Liberia). L’heureux élu profitera, une fois n’est pas coutume, d’un mandat plus long qu’à l’habitude. Lors de sa réunion tenue à Paris le 19 mai 2004, l’assemblée générale de la CAF avait, en effet, décidé d’organiser ses élections les années impaires, et ce à partir de 2009. Du coup, tous les candidats élus en 2006 vont bénéficier d’une prolongation d’un an de leur mission, qui durera cinq ans au lieu de quatre. Logiquement, il n’y aura pas non plus de scrutin en 2008 pour désigner le nouveau président du foot africain. Issa Hayatou, réélu en janvier 2004, va donc régner, lui aussi, une année de plus sur la CAF…

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