Bénin : halte aux manoeuvres !

Publié le 8 janvier 2006 Lecture : 3 minutes.

Depuis quelques semaines, le Bénin vit dans une perceptible inquiétude sociale pour cause d’élection présidentielle en danger.
Pour de nombreux observateurs et contrairement à toute attente, Mathieu Kérékou aurait changé d’avis. Lui-même dit le contraire. Mais ce qu’il laisse faire autour de lui montre manifestement un double langage qui ne trompe plus personne.
On avait envisagé la révision de la Constitution pour faire sauter le verrou de l’âge (70 ans au plus) et de la limitation des mandats (deux au maximum)… Échec !
On a avancé ensuite l’idée de « couplage » des consultations pour prolonger de deux ans le mandat de l’actuel président… Nouvel échec !
Kérékou lui-même a alors publiquement annoncé son départ dans un message à la nation à l’occasion de la fête nationale du 1er août. Ses courtisans, malgré cela, espéraient secrètement rebondir. D’où les manoeuvres pour remettre en cause le dernier voyage officiel du président béninois à Paris. Il fallut, dit-on, de nombreuses pressions pour maintenir cette visite au cours de laquelle en effet Kérékou fut félicité par Jacques Chirac pour sa détermination à respecter la Constitution de son pays et à quitter le pouvoir à la fin de son mandat. La lecture attentive de l’allocution du président français à cette occasion vaut son pesant d’or.
Mais les révisionnistes avaient une dernière carte en réserve qu’ils abattent aujourd’hui : le pays n’a plus d’argent, c’est la « faillite », la « banqueroute », la « gabegie » des cadres qui veulent profiter de leurs fonctions à la commission électorale pour se remplir les poches et bâtir des villas, etc.
Alors, Kérékou, le grand moralisateur, ne peut laisser faire.
C’est trop vite oublier qu’au Bénin, pays de modération, on sait faire preuve d’intelligence. Ainsi le budget des élections d’abord estimé à 30 milliards de F CFA se trouve réduit à 10 milliards et l’on peut compter sur des partenaires attentifs qui, après deux entretiens avec le président de la République, ont entrepris une étude minutieuse de ce même budget. Sur la base de données précises, ils ont dégagé un soutien financier de 4,8 milliards de F CFA. Cet accord des « bailleurs de fonds » se trouve inscrit dans un protocole dont on a connaissance et qui stipule des démarches administratives sans ambiguïté. Le texte requiert simplement la signature d’une autorité gouvernementale – le ministre de l’Économie et des Finances – pour permettre le décaissement immédiat des fonds.
Malgré tout cela, le gouvernement traîne les pieds, trouve des subterfuges et des faux-fuyants.
Bref tout le monde a compris : Kérékou manoeuvre pour rester un peu plus dans ses fonctions. Cela, une immense majorité de Béninois n’en veut à aucun prix.
La Constitution exige des élections ; le peuple veut ces élections ; le gouvernement lui-même a pris le risque de convoquer le corps électoral pour le 5 mars 2006. Rien d’autre ne compte pour les Béninois.
La Conférence épiscopale a récemment publié une lettre pastorale forte et très appréciée qui montre le chemin. À son tour, un ancien ministre connu et respecté, Bertin Borna, vient d’adresser une incisive lettre ouverte à Mathieu Kérékou pour le placer devant ses responsabilités. Les partis politiques, les syndicalistes, de nombreuses organisations de la société civile, des cercles religieux de toutes confessions sont déterminés à prendre d’assaut les rues de Cotonou pour exiger leur plein droit à installer au palais présidentiel le 6 avril prochain un nouveau chef de l’État.
Beaucoup suggèrent que la Commission électorale fasse connaître un compte bancaire pour recueillir les contributions financières des Béninois de l’intérieur et de l’extérieur, des organisations désireuses de soutenir l’expérience démocratique béninoise et la volonté de changement que manifeste le pays dans ses profondeurs.
Ainsi donc, l’alternance au Bénin c’est pour bientôt. Les marches de badauds que financent des porte-valise inquiets pour leur avenir ne changeront rien à cette réalité. Kérékou lui-même se soumettra humblement dans quelques jours à ce pénible constat. Sinon – et cela se dit déjà -, c’est le départ sans gloire et sans panache….

*Albert Tévoédjrè est ancien secrétaire général adjoint de l’ONU.

la suite après cette publicité

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires