Un personnage de roman

Publié le 7 novembre 2004 Lecture : 2 minutes.

J’ai fait la connaissance de Yasser Arafat en 1968. Il se cachait à l’époque dans une grotte, en Jordanie. Son ennemi intime, Ariel Sharon, était déjà décoré pour ses hauts faits dans les guerres arabo-israéliennes de 1956 et 1967. Le seul titre officiel d’Arafat était « premier porte-parole » du Fatah.
Il portait déjà son célèbre keffieh disposé sur la tête en forme de carte du territoire israélo-palestinien. Il n’avait, en ces temps-là, rien d’une « colombe ». Il revenait d’un voyage risqué mais inutile en Cisjordanie, où, déguisé en femme, il avait vainement tenté de convaincre des Palestiniens bien rangés de faire le coup de feu contre les nouveaux occupants israéliens.
Le sens de la mise en scène et les coups d’épée dans l’eau ont été, par la suite, deux caractéristiques de sa double carrière de chef terroriste et de diplomate. Il utilisait les collines du Liban comme une base arrière, d’un côté pour lancer des raids armés contre Israël, de l’autre pour rassurer les Libanais et implanter chez eux l’infrastructure économique et politique de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP).
En 1982, Sharon veut mettre fin à cette situation, et envahit le Liban. Premier objectif atteint : chasser l’OLP. Second objectif raté : faire des milices chrétiennes libanaises, bien armées et antipalestiniennes, un satellite d’Israël.
Au cours du siège de Beyrouth-Ouest, Sharon a donné ordre à l’aviation de lâcher une bombe sur un immeuble où Arafat était censé se trouver. Ce dernier venait juste de partir quand elle a explosé.
Moins spectaculairement, mais tout aussi vainement, on a maintes fois essayé, dans les années suivantes, de tuer Arafat. Certaines tentatives étaient probablement l’oeuvre de Sharon, d’autres, d’adversaires arabes, comme les services de renseignements syriens du président Hafez al-Assad.
La France a été régulièrement son sauveur. De même que le président Jacques Chirac a envoyé, le mois dernier, un avion pour le ramener dans un hôpital proche de Paris, de même, cet été 1982, un autre président français l’a aidé à fuir Beyrouth, sous la protection de la marine française et avec l’approbation des États-Unis.
Nous étions une douzaine de journalistes à l’accompagner, en 1993, dans l’avion qui l’emmenait, de son exil de Tunis, rencontrer le Premier ministre israélien Itzhak Rabin et le président Bill Clinton sur la pelouse de la Maison Blanche. Dans l’avion, nous avons tous eu le droit d’échanger avec lui quelques mots accompagnés d’une accolade… broussailleuse. Quand je lui ai demandé s’il se souvenait de notre première rencontre dans la grotte jordanienne, les larmes lui sont venues aux yeux et il a parlé de paix.
La plupart de ceux qui ont suivi le parcours d’Arafat seront, je pense, d’accord : c’est un leader qui a été trop souvent trahi non pas par ses collaborateurs, mais par ses propres défauts et par son rêve impossible d’être le premier président d’une Palestine libre.

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