Masafumi Sugano : le plus africain des Japonais

Directeur Afrique au ministère nippon de l’Économie, du Commerce et de l’Industrie, Masafumi Sugano pousse les groupes de Tokyo à investir sur le continent. Histoire de regagner le terrain conquis par les Chinois.

Après avoir été premier secrétaire d’ambassade à Johannesburg, Masafumi Sugano est directeur Afrique au Meti depuis juillet 2012. © DR

Après avoir été premier secrétaire d’ambassade à Johannesburg, Masafumi Sugano est directeur Afrique au Meti depuis juillet 2012. © DR

ProfilAuteur_ChristopheLeBec

Publié le 22 février 2013 Lecture : 3 minutes.

Âgé de 35 ans, Masafumi Sugano pilote depuis Tokyo la direction Afrique du célèbre Meti, le ministère japonais de l’Économie, du Commerce et de l’Industrie. Nommé en juillet 2012, il a fort à faire. L’Afrique ne représente que 1,8 % des échanges extérieurs japonais : en 2012, les investissements directs du pays du Soleil-Levant sur le continent n’ont atteint que 13,6 milliards d’euros, sur les 750 milliards déployés par les groupes japonais dans le monde entier.

C’est grâce au réseau d’informations économiques du Meti que le Japon a bâti sa puissance industrielle après la Seconde Guerre mondiale. Aujourd’hui encore, chacune de ses agences repère dans chaque pays les meilleurs segments à l’export, déniche les innovations et les transmet aux entreprises japonaises. Grâce à lui, les keiretsu (grands conglomérats) comme Toyota, Mitsubishi ou Panasonic ont pu gagner des parts de marché partout dans le monde.
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Recul 

« Nos entreprises ont été très présentes en Afrique jusque dans les années 1980, quand notre industrie était compétitive sur les coûts, explique Masafumi Sugano. Mais nous avons depuis perdu beaucoup de terrain, notamment face aux Chinois, qui ont pris le segment du bas de gamme. Aujourd’hui, la plupart des grandes sogo shosha [maisons de commerce, NDLR] se sont détournées de l’Afrique subsaharienne et, dans une moindre mesure, du Maghreb, pour se concentrer sur des marchés à plus haute valeur ajoutée. Le Japon reste actif en Afrique, mais principalement via ses programmes d’aide [3,7 milliards d’euros par an]. »

Exemple frappant de ce recul : la Côte d’Ivoire. « Enfant, j’ai vécu trois ans à Abidjan, de 1984 à 1987, quand mon père était expatrié pour le fabricant d’électronique Sharp. À l’époque, on pouvait compter 26 sociétés japonaises dans la capitale économique ivoirienne. Aujourd’hui, elles ne sont plus que deux », observe-t-il avec regret. La désaffection des sociétés nippones sur le continent, Masafumi Sugano l’explique aussi par leur aversion au risque politique. Depuis la prise d’otages d’In Amenas, le 16 janvier en Algérie, qui a entraîné la mort de dix Japonais, les groupes de Tokyo sont encore plus réticents qu’avant à investir dans le nord et l’ouest du continent. « La situation au Sahel, au Maghreb, mais aussi au Nigeria a mis un frein aux plans d’expansion », reconnaît Masafumi Sugano.

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 Inverser la tendance 

Ce polyglotte qui a étudié en Italie, aux États-Unis et au Royaume-Uni croit toutefois pouvoir inverser la tendance. « Nous gardons des positions importantes en Égypte et en Algérie, notamment dans l’automobile et la construction, et en Angola dans le pétrole, précise-t-il. Au Kenya et en Tanzanie, les sociétés japonaises reviennent, dans l’électronique notamment. Enfin, l’Afrique du Sud reste notre premier pays africain d’implantation, avec 126 sociétés nippones actuellement présentes là-bas. » Et l’ancien premier secrétaire d’ambassade à Johannesburg de rappeler les deux dernières grandes opérations japonaises dans la nation Arc-en-Ciel : les rachats de Dimension Data par le géant des télécoms NTT (pour 2,3 milliards d’euros) en 2010 et de Freeworld Coatings par l’industriel Kansai Paint (pour 200 millions d’euros) en 2011.

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Selon Masafumi Sugano, l’acquisition du distributeur automobile et pharmaceutique français CFAO par Toyota Tsusho Corporation (TTC), finalisée fin 2012, serait un signe positif pour la présence japonaise en Afrique francophone. « Nos cadres ont presque déserté cette région depuis des années, en raison de la forte concurrence des groupes européens et libanais. La meilleure manière d’y revenir était de s’associer avec l’un d’entre eux, estime-t-il. D’autres rapprochements similaires devraient suivre dans l’avenir, notamment en Afrique de l’Ouest. »

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