Régularisation massive de sans-papiers

José Luis Zapatero prend la question des clandestins à bras-le-corps.

Publié le 7 novembre 2004 Lecture : 3 minutes.

Dès le mois de février 2005, entre 500 000 et 800 000 sans-papiers, parmi lesquels une majorité de Colombiens et d’Équatoriens, devraient pouvoir bénéficier du plan de régularisation extraordinaire élaboré par le nouveau gouvernement socialiste de José Luis Rodriguez Zapatero. Annoncé dès le mois d’août par la secrétaire d’État à l’Immigration, Consuelo Rumi, puis discuté et approuvé par l’ensemble des partenaires sociaux (associations d’immigrés, syndicats et fédération des chefs d’entreprises), c’est finalement le ministre du Travail et de l’Emploi, Jesús Caldera, qui l’a présenté au Congrès de Madrid, le 27 octobre dernier. « Contrairement au précédent gouvernement de droite qui ne donnait aucune suite aux réunions de concertation, l’actuel exécutif a démontré qu’il voulait parvenir à un consensus minimal », a aussitôt commenté le président de l’Association des travailleurs et immigrés marocains en Espagne (Atime), Mustapha Lamrabet, qui évalue à 100 000 le nombre de ses concitoyens susceptibles de bénéficier de cette nouvelle réglementation.
Cette régularisation d’immigrés illégaux n’est pas une première en Espagne. La droite y a déjà procédé à trois reprises (en 1996, 2000 et 2001), et les socialistes, à l’époque de Felipe González, deux fois (en 1985 et 1991). Sur ce thème, socialistes et conservateurs vont donc prochainement se retrouver à égalité !
Reste que le grand débat qui a précédé cette mesure n’a pas manqué de mettre au jour, une fois encore, l’utilisation politique que l’on fait ici du dossier de l’immigration.
Malgré son opposition traditionnelle aux expulsions massives d’immigrés clandestins, c’est paradoxalement la gauche parlementaire de Consuelo Rumi et les syndicats qui reprochent aujourd’hui au Parti populaire d’Aznar d’avoir laissé se gonfler de manière démesurée la « poche des clandestins ». Quant à la droite, aujourd’hui dans l’opposition, elle qualifie de « politique irresponsable » et de « papiers pour tous » la prochaine régularisation. Pourtant assez semblable à celles qu’elle a elle-même mises en oeuvre par trois fois…
Les critères permettant de normaliser la situation des étrangers en situation irrégulière n’ont, eux non plus, pas beaucoup changé depuis le précédent gouvernement. Pour recevoir un permis d’un an, éventuellement renouvelable, les clandestins devront prouver qu’ils sont en Espagne depuis six mois, disposer d’un contrat de travail d’au moins six mois et cotiser à la sécurité sociale. Les secteurs de l’agriculture, de la construction et de l’hôtellerie, ainsi que celui des emplois domestiques, bénéficieront de plus de souplesse dans l’application de ces critères de base.
La nouveauté introduite par les socialistes consiste à ce que l’employeur lui-même présente ses contrats aux autorités. Une manière d’éviter les interminables files d’attente. Une manière, surtout, comme le souhaitaient gouvernement, associations et syndicats, de lier étroitement la régularisation au marché du travail et à la lutte contre le développement d’une économie souterraine, qui représente désormais, selon les estimations, près de 20 % du PIB. Cette procédure a donc l’ambition de consolider la sécurité sociale et d’augmenter les recettes fiscales par la réduction du travail au noir.
Il n’y a pas que des raisons humanitaires derrière ce projet de régularisation. La principale d’entre elles étant, à l’évidence, la très forte pression migratoire qui s’exerce sur un pays devenu champion d’Europe de la création d’emplois. La régularisation agissant alors comme une soupape de sécurité. En 2003, par exemple, l’Espagne a accueilli 35 % de la totalité du flux migratoire vers l’Union européenne : un record ! Alors qu’en 2001, selon l’Institut national de statistique espagnol (INE), le pays comptait près de 1,3 million d’étrangers, il y en avait plus de 2,6 millions au 1er janvier 2003. Et même si le relevé de l’année 2004 n’est pas encore finalisé, on pense qu’il en recensera plus de 3 millions.
En Espagne, tout immigré, même clandestin, bénéficie d’une couverture de santé élémentaire, peut louer un appartement et avoir accès à l’école publique, pour peu qu’il s’inscrive au padrón, le recensement municipal. On évalue à un peu plus de 1 million le nombre de ceux qui ont accompli ces formalités sans disposer pour autant d’un permis légal de résidence délivré par le ministère de l’Intérieur.
Pas étonnant, dans ces conditions, que le problème de l’immigration occupe aujourd’hui la troisième place parmi les préoccupations des Espagnols. En juin dernier, quant le quotidien madrilène El País pouvait titrer « Zapatero assure qu’il n’y aura pas de nouvelle régularisation extraordinaire », il n’était qu’en cinquième position.

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