Hama Amadou

Nommé à la tête du gouvernement il y a près de cinq ans, le Premier ministre dresse pour J.A.I. un bilan de son action politique, économique et sociale. Et se dit confiant quant au processus électoral en cours.

Publié le 7 novembre 2004 Lecture : 5 minutes.

A 54 ans, le Premier ministre du Niger ne laisse pas indifférent. Il est haï ou adulé, craint ou respecté. Objet de toutes les rumeurs, Hama Amadou sait également séduire. Dauphin naturel du président Mamadou Tandja, il a pris la direction du parti au pouvoir, le Mouvement national pour la société de développement (MNSD), en décembre 2000. Pour les législatives prévues le 4 décembre, il a envisagé de présenter sa candidature. Ce qui l’aurait obligé à démissionner de la primature. Mais le président Tandja lui a demandé de renoncer à ce mandat électif pour se consacrer à sa fonction à la veille de scrutins déterminants.

Jeune Afrique/l’intelligent : Avec quels arguments comptez-vous obtenir la réélection du président Tandja ?
Hama Amadou : Par l’excellence de son bilan. Lorsque nous sommes arrivés aux affaires, nous avons hérité d’un Niger exsangue. Une économie au bord de la faillite, une école sinistrée, un monde rural abandonné et un secteur de la santé moribond. Au plan international, notre pays était totalement isolé et sur le plan intérieur, nous devions faire face à des turbulences au sein de notre armée. Cinq ans plus tard, nous avons redressé la situation et restauré le dialogue avec nos partenaires du développement. Mais notre plus grande fierté sont le rétablissement de la stabilité politique et le retour de l’armée dans les casernes.

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J.A.I. : Certains opposants affirment que la stabilité relève plus du sens de la responsabilité de la classe politique nigérienne que de la sagesse de ceux qui sont au pouvoir. Que leur répondez-vous ?
H.A. : Je leur rappellerais que c’est l’opposition qui, entre 2000 et 2002, organisait des week-ends de protestation porteurs de germes de la violence. C’est elle qui brouille l’image de notre pays auprès de nos partenaires à travers de fausses informations, heureusement démenties par les émissaires de ces mêmes partenaires. Avons-nous jamais utilisé une seule bombe lacrymogène pour disperser les manifestations de l’opposition ? Quel homme politique a été inquiété pour ses opinions lors de ce mandat qui s’achève ? S’il y a eu stabilité dans ce pays, c’est bien grâce à la sagesse du président de la République et au respect des règles démocratiques par le gouvernement.

J.A.I. : Il n’y a pas eu d’homme politique embastillé, mais certains journalistes ont tout de même été arrêtés…
H.A. : Les hommes de presse qui ont eu des démêlés avec la justice n’ont pas été inquiétés pour leurs idées politiques. La république a ses lois, celles-ci sont faites pour être respectées. La diffamation est un délit, son auteur doit répondre devant la justice si celle-ci est saisie d’une plainte. Un individu a autant de droits qu’un journaliste. Je passe souvent sur les attaques perfides dont je suis régulièrement la cible, mais il y en a que je ne peux pardonner. Quand un journaliste écrit que je suis originaire d’une caste servile, j’estime que mon honneur et celui de ma famille sont atteints. En tant que citoyen, je saisis la justice pour qu’elle exige de l’auteur des preuves de ce qu’il avance. En tant que Premier ministre, cet acte prend une allure pédagogique. Il faut que la pratique démocratique obéisse à des règles connues et respectées de tous. Sinon, les moindres divergences politiques seraient la source de véritables lynchages médiatiques. Si j’ai eu gain de cause, cela ne signifie pas pour autant que la justice n’est pas indépendante. C’est une simple décision de bon sens. Prenons le cas de Maman Abou, le directeur de la rédaction du Républicain. Il a écrit que le Premier ministre avait détourné en six mois 100 milliards de F CFA d’aide internationale. Durant cette même période, les recettes cumulées du trésor n’ont pas excédé 1 milliard de F CFA, c’est dire l’énormité. Devais-je me taire ? J’ai estimé que non.

J.A.I. : Avez-vous des appréhensions particulières quant au déroulement de ce processus électoral qui doit durer plus d’un mois ?
H.A. : Aucune. Le Niger est habitué à des campagnes électorales sereines, même si nous ne pouvons empêcher quelques dérapages verbaux, voire quelques affiches arrachées. Vous savez, le multipartisme est présent dans les villages les plus reculés, et la cohabitation entre les militants des différentes formations politiques se fait sans heurt en dehors des échéances électorales. Et même pendant.

J.A.I. : La situation sécuritaire au Nord ne vous inquiète-t-elle pas ?
H.A. : Pas le moins du monde. Les Américains peuvent en témoigner. La menace salafiste a été neutralisée dès ses premières manifestations. Quant à la pseudo-rébellion – en fait, du banditisme – qui se réclame de Rhissa Ag Boula [ancien ministre du Tourisme arrêté et inculpé pour meurtre], elle ne constitue en rien une menace pour la république. Ses membres sont localisés et encerclés dans l’Aïr. Ils ne peuvent en aucun cas empêcher le bon déroulement du scrutin.

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J.A.I. : Vous êtes au centre de tous les débats et de toutes les rumeurs. On vous a prêté l’intention de vous présenter aux législatives, ce qui aurait provoqué votre démission de la primature. Qu’en est-il au juste ?
H.A. : Quand on est le leader du plus grand parti politique, que l’on occupe le poste de Premier ministre, il est normal que l’on devienne l’homme à abattre pour ses adversaires. Je n’ai aucun moyen de faire taire les rumeurs. Récemment, j’ai pris quelques jours de congé : on n’a pas hésité à affirmer que j’étais à l’article de la mort, que j’avais fui le pays à la veille des élections. Quand il s’agit de ma personne, ce n’est pas grave ; mais quand il s’agit de l’État, c’est autre chose. Certains opposants ont exigé ma démission pour la transparence du scrutin. Or aucune disposition constitutionnelle ne prévoit un tel cas de figure. Les auteurs de cette demande n’ont pas conscience de ce qu’un changement à la primature signifie en période électorale. Ni de ses implications sur les négociations avec les institutions financières internationales pour un nouveau programme triennal. Cela dit, il est vrai que j’ai pensé me présenter à la députation, ce qui m’aurait amené à quitter mes fonctions. Mais le président m’a demandé de privilégier les intérêts du pays au détriment de mes ambitions électorales. J’ai trouvé son analyse pertinente. Je suis donc resté.

J.A.I. : Vous dirigez un gouvernement d’alliance. Les partis qui le composent présentent chacun leur candidat. Est-ce que cette coalition peut se retrouver en cas de second tour ?
H.A. : Sans aucun doute. De toutes les alliances politiques qui se sont formées au Niger ces dernières années, l’Alliance des forces démocratiques [AFD, au pouvoir] est celle qui a le mieux fonctionné. En cinq ans, il n’y a eu aucun problème majeur entre nous. Notre bilan est positif. Cela dit, le score de chacun des candidats sera évidemment important. Si le scénario de 1999 est réédité, il me semble que cela ne posera aucun problème. Et si notre parti n’est pas qualifié pour le deuxième tour, nous apporterons notre soutien à notre allié, Mahamane Ousmane. Maintenant, le scénario catastrophe serait d’imaginer une finale entre Tandja et Ousmane. Ce serait donc l’opposant Mahamadou Issoufou qui se retrouverait en position d’arbitre.

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