Redistribution des cartes planétaire

Publié le 7 septembre 2008 Lecture : 4 minutes.

Plusieurs événements ont, ces dernières semaines, mis en lumière les considérables changements en cours dans le paysage géopolitique mondial. La Chine et la Russie ont fait une démonstration éclatante de la résurgence de leur nationalisme. Les jeux Olympiques de Pékin et la punition infligée à la Géorgie ne sont pas des phénomènes isolés, mais l’aboutissement de longues années d’efforts.
La Chine a prouvé de manière spectaculaire qu’elle avait su, en trente ans, se refaire une santé après la folie sanglante de la Révolution culturelle déclenchée par Mao Zedong. La Russie, de son côté, a retrouvé son rang parmi les grandes puissances après le démembrement géographique, la débâcle financière et l’humiliation nationale qui ont suivi l’effondrement du communisme.
Après les étonnantes retransmissions télévisées de Pékin, qui se risquerait à défier des millions de Chinois et de Chinoises aussi disciplinés ? Après l’écrasement éclair de l’armée géorgienne, pourtant entraînée par les États-Unis et Israël, qui pourrait douter de la détermination de la Russie à rétablir son influence sur son « étranger proche » et à s’assurer le contrôle de l’acheminement vers l’Europe du pétrole et du gaz d’Asie centrale ?

Economique et militaire à la fois, le renouveau de la puissance chinoise et russe n’avait pas jusqu’ici été pleinement pris en compte par la réflexion stratégique occidentale. Impossible, désormais, de l’ignorer. L’Otan, cette relique de la guerre froide, doit reconsidérer son rôle. De fond en comble. Elle est en train de subir une double défaite. D’abord, en Afghanistan, où elle a engagé une guerre ingagnable et dont elle aurait intérêt à se retirer avant que ses pertes ne s’aggravent. Ensuite, dans le Caucase, où, stupidement, elle a provoqué la Russie en tentant de recruter de nouveaux membres à ses frontières.
La plupart des membres de l’Union européenne le savent, mais se trouvent confrontés à un dilemme. D’une part, ils dépendent étroitement de leur partenariat énergétique avec la Russie, qui leur fournit 40 % du gaz qu’ils consomment. De l’autre, ils veulent rester de proches alliés des États-Unis, malgré une hostilité largement partagée pour le président George W. Bush et son administration.
Il n’est pas facile pour une Union de vingt-sept membres, dont les intérêts et les orientations ne sont pas à l’unisson, de se mettre d’accord sur une politique commune, ce qui explique son relatif manque de poids politique. De manière générale, l’UE est un club de riches, moins soucieux de jouer un rôle de grande puissance que de préserver la paix et la prospérité dont elle jouit.
Les changements en cours ont beaucoup plus d’importance pour les États-Unis, qui, malgré les déboires occasionnés par les monumentales erreurs de Bush et l’émergence de puissants rivaux, restent l’unique superpuissance. Leur génie, c’est leur capacité à redresser la barre et à se réinventer, fût-ce au bord du gouffre. Barack Obama, le candidat démocrate à la présidentielle, l’a compris, raison pour laquelle des millions d’Américains le soutiennent.

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Si ce dernier l’emporte en novembre, il faut s’attendre à de profonds changements. Les États-Unis s’impliqueront résolument – en « médiateurs impartiaux », cette fois – dans une tentative de règlement du conflit israélo-palestinien. Ils se retireront militairement de l’Irak, mais aideront ce pays à se reconstruire. Ils s’engageront dans un dialogue global avec l’Iran et lui proposeront des garanties pour sa sécurité et la reconnaissance de son rôle régional en échange de son renoncement à ses ambitions nucléaires. Plus généralement, ils oublieront la « guerre contre le terrorisme » et chercheront à créer des liens de confiance et de coopération avec le monde musulman.
Les conseillers d’Obama semblent avoir compris que l’indéfectible alliance israélo-américaine des années Bush a été néfaste aux deux parties. Elle a entraîné les États-Unis dans une guerre avec l’Irak et suscité une crise avec l’Iran, sans parler d’une dangereuse confrontation avec une large partie de l’opinion arabo-musulmane.
Elle a aussi encouragé l’État hébreu à faire la guerre avec ses voisins et incité les extrémistes à s’imaginer que, fort de l’appui américain, leur petit pays pourrait dominer militairement toute la région et continuer son expansion territoriale au détriment des Palestiniens. Ce sont là de graves erreurs, parce que le monde arabe n’est plus ce qu’il était il y a seulement dix ans. De profonds changements y sont en cours : développement et diversification économiques, éducation, armement, etc. Ils ne sont pas moins importants que ceux qui ont transformé la Chine et la Russie. Divers mouvements de résistance à Israël, du Hezbollah libanais au Hamas palestinien, sont désormais profondément enracinés dans la population : il sera difficile de les éliminer. Bref, il est grand temps qu’Israël reconsidère sa doctrine sécuritaire et s’entende avec ses voisins.
Les visiteurs qui se rendent dans le Golfe ou en Arabie saoudite ne peuvent qu’être impressionnés par le développement spectaculaire de ces trente dernières années. Et par les grandioses plans d’expansion pour les trente prochaines. Le produit intérieur brut d’Israël a été en 2007 de 162 milliards de dollars. Celui des Émirats arabes unis de 192 milliards, et celui de l’Arabie saoudite de 376 milliards. Ces chiffres devraient inciter les Israéliens à réfléchir.

Jusqu’ici, la seule erreur d’Obama est sa volonté d’accroître l’effort militaire des États-Unis contre les talibans, en Afghanistan comme dans le nord-ouest du Pakistan. Or il n’y a pas de solution militaire au problème taliban. Une société tribale profondément attachée à ses traditions et à sa religion n’acceptera jamais un modèle de société étranger imposé par la force.

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