Mais pour qui vote Sarkozy…

Publié le 7 septembre 2008 Lecture : 3 minutes.

L’image est trop belle. Quatre ans après sa mise à sac, le lycée français d’Abidjan rouvre ses portes avec six cents élèves, dont 45 % d’Ivoiriens. Et quelques patrons français reviennent au bord de la lagune. Comme si la crise était terminée entre la France et la Côte d’Ivoire. Mais est-ce si sûr ?
« Depuis que Chirac est parti, je dors mieux », dit Laurent Gbagbo. De fait, les rapports Chirac-Gbagbo étaient exécrables. Les deux hommes ne se parlaient même plus au téléphone. Et l’arrivée de Nicolas Sarkozy à l’Élysée a décrispé les choses. « Avec Chirac, c’était la ligne Tout sauf Gbagbo. Avec Sarkozy, on a l’impression que c’est Que le meilleur gagne », confie un proche du président ivoirien. Le déclic a eu lieu au sommet de Lisbonne, le 8 décembre 2007. Lors d’un tête-à-tête d’une quinzaine de minutes, Sarkozy a lancé à Gbagbo : « Quel que soit le vainqueur, j’aurai de bonnes relations avec la Côte d’Ivoire. Si c’est toi, ce sera bien. Si c’est quelqu’un d’autre, ce sera pareil. » Six mois plus tard, lors d’une visite à Abidjan, le ministre français des Affaires étrangères, Bernard Kouchner, a enfoncé le clou : « Nous soutiendrons celui qui gagnera les élections. »
Cela dit, dans l’entourage du chef de l’État ivoirien, la méfiance persiste. Certains soupçonnent même l’Élysée de soutenir en sous-main Bédié ou Ouattara. « C’est vrai qu’on murmure au Palais que le parti de Sarkozy reste attaché au PDCI de Bédié, lâche un conseiller de Laurent Gbagbo. On n’oublie pas non plus les vieux liens d’amitié entre Sarkozy et Ouattara. Certes, du temps de Cécilia, leurs épouses étaient intimes, et ça comptait beaucoup. Mais en novembre dernier, après son divorce, Sarkozy a encore reçu Ouattara à l’Élysée. »
En fait, dans cette période confuse où les électeurs ne sont pas encore identifiés, chacun a conscience que cet apaisement entre la Côte d’Ivoire et la France reste précaire. « Si le FPI de Gbagbo commence à avoir des doutes sur ses chances de victoire, nous ne sommes pas à l’abri d’un coup de Jarnac sur le thème : c’est la faute de la France », confie un décideur à Paris. Bouc émissaire idéal, Sagem, la société française choisie par l’État ivoirien pour la partie technique de l’enrôlement des électeurs. Mais rien ne prouve que l’Élysée manipule Sagem. « Ce serait parfaitement idiot de notre part », dit-on à Paris. « De fait, ce n’est pas Sagem qui va voter », reconnaît un proche de Gbagbo. Pour l’heure, aucun dirigeant du FPI n’a attaqué publiquement Sagem
Au-delà des différences d’approche entre Chirac et Sarkozy, l’embellie des relations entre Paris et Abidjan tient aussi au fait que la France s’est retirée du dossier politique ivoirien. Fini l’époque de Marcoussis. Aujourd’hui, les cartes ivoiriennes sont entre les mains du médiateur burkinabè Blaise Compaoré et du représentant de l’ONU à Abidjan, le Coréen Choi Young-jin. « Nous avons réussi à prendre de la distance. Avec la force Licorne, nous ne sommes plus que fournisseurs de sécurité », se réjouit Paris. Modestie forcée ? Sans doute. Nicolas Sarkozy joue profil bas. Il ne veut donner aucun prétexte à Laurent Gbagbo pour qu’il interrompe le processus électoral. Le 23 septembre prochain, à l’assemblée générale des Nations unies à New York, il est probable que les deux hommes se congratuleront devant les photographes. Mais pour qui vote vraiment Sarkozy ? « Sans doute pas pour Gbagbo, reconnaît un proche du chef de l’État ivoirien. Il paraît qu’ils se téléphonent, mais ce n’est pas encore le grand amour. »

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