Les militaires contre la démocratie

Publié le 7 septembre 2008 Lecture : 3 minutes.

« L’armée mauritanienne jouera son rôle d’armée républicaine respectueuse des institutions. Le futur président ne répondra de ses actes que devant le Parlement et le peuple mauritanien. Il n’est jamais souhaitable que la démocratie soit sous tutelle. » Ce propos recueilli par Jeune Afrique en juillet 2006 est d’Ely Ould Mohamed Vall, tombeur de Maaouiya Ould Taya (aux côtés, déjà, de Mohamed Ould Abdelaziz) et chef de l’État mauritanien pendant la période de transition qui précéda l’élection de Sidi Ould Cheikh Abdallahi, en mars 2007. Manifestement, le général Ould Abdelaziz, 52 ans, n’est pas de cet avis.
Le coup d’État contre Sidi Ould Cheikh Abdallahi, le 6 août, que lui et ses zélateurs préfèrent appeler, par coquetterie sémantique, « rectification » ou « changement », ne peut ni ne doit être accepté. C’est une question de principe. Quels que soient ses défauts et les critiques qui lui sont adressées, Sidi Ould Cheikh Abdallahi a été élu. C’est même l’un des rares chefs d’État du continent à pouvoir se targuer d’avoir été choisi par ses compatriotes en toute transparence et en toute liberté. En outre, contrairement aux arguments incohérents et peu crédibles mis en avant par la junte, il n’était pas vital de « sauver la Mauritanie », comme l’expliquait Mohamed Ould Abdelaziz dans l’interview qu’il nous a accordée quelques jours après avoir pris possession de la présidence (voir J.A. n° 2483-2484).

La « terrible situation économique » ? Un diagnostic d’autant plus exagéré que les réelles difficultés rencontrées par la Mauritanie sont loin d’être imputables à la seule gestion d’Abdallahi. Les « institutions bloquées » par le chef de l’État déchu ? C’est plutôt Abdelaziz et ses acolytes qui ont fomenté, en coulisse, une fronde des parlementaires pour acculer Sidi à la démission. Enfin, l’ancien président n’a pas tenté de « diviser l’armée » en limogeant Abdelaziz et trois de ses collègues, mais a joué la dernière carte qui lui restait pour mettre fin à la guerre de l’ombre déclenchée par ces derniers contre lui. Bref, rien qui ne justifie le coup de force et l’entêtement du « général Aziz ».
Cet habitué des putschs il en a déjà déjoué deux, en 2003 et 2004, et perpétré deux autres, en 2005 et donc en 2008 – aggrave encore son cas, s’il était possible, en refusant de s’engager à organiser des élections libres et transparentes à brève échéance et, surtout, à ne pas s’y présenter. On a connu plus habile
Sidi Ould Cheikh Abdallahi doit être libéré le plus vite possible et rétabli dans ses fonctions. C’est ce que nous devons tous exiger. Et c’est ce que tentent d’obtenir, fort heureusement, l’Union africaine (avec des moyens de pression limités, il est vrai), l’ONU, l’Union européenne – et la France en particulier -, ainsi que les États-Unis. Gel des avoirs à l’étranger, interdiction de voyager, blocage des aides et programmes de coopération La liste des sanctions envisagées ou déjà appliquées est longue. L’Élysée et la Maison Blanche expriment une volonté forte de ne pas céder face aux putschistes et coopèrent étroitement. Seul couac dans cette partition, l’Union du Maghreb arabe (UMA), organisation fantomatique à laquelle appartient la Mauritanie, s’illustre une nouvelle fois par son silence. Les vacances peut-être

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Restons pourtant pragmatiques : sans porte de sortie honorable pour les putschistes, les menaces ne suffiront pas à leur faire entendre raison. La communauté internationale, si elle souhaite réellement obtenir le retour à l’ordre constitutionnel, doit se pencher sur cette question sensible. Quitte, éventuellement, à garantir une certaine immunité à des militaires qui sont loin d’être aussi soudés autour du nouveau « chef » qu’il n’y paraît.
Dernier point : il est impératif qu’Ely Ould Mohamed Vall, qui ne s’est toujours pas exprimé à l’heure où ces lignes sont écrites, intervienne et mette son influence au service de la démocratie. D’après nos informations, il mène en toute discrétion des discussions, avec, entre autres, les Français et les Américains. Il a fait savoir, parfois indirectement, qu’il n’était pas associé, de quelque manière que ce soit, au putsch et qu’il ne l’approuvait évidemment pas. Il chercherait actuellement une issue à cette crise qui n’a que trop duré. Pour que le miracle démocratique mauritanien ne soit pas finalement un mirage de plus sur le continent.

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