Le dragon angolais

Publié le 7 septembre 2008 Lecture : 2 minutes.

Pour ceux qui, comme moi, ont « couvert » sur le terrain la guerre civile angolaise, connu Luanda sous la botte cubaine et crapahuté dans les maquis goulags du « warlord » Jonas Savimbi, les élections du 5 septembre, premières consultations démocratiques depuis l’indépendance, ont quelque chose d’historique et, au regard des ravages humains, psychologiques et économiques engendrés par un quart de siècle d’extrême violence, de miraculeux. Aussi ne m’attarderai-je point sur les dysfonctionnements, évidents, mais qui n’auront joué qu’à la marge d’un triomphe annoncé pour le parti au pouvoir, de ces législatives. L’essentiel est ailleurs : c’est bien à la naissance d’une vraie puissance africaine, à l’émergence d’un parrain régional enfin purgé de ses parasites intestinaux et des miasmes d’une décolonisation calamiteuse, que l’on assiste aujourd’hui. Au pouvoir depuis 29 ans, le président Dos Santos et son parti-État ont enfin compris que la légitimité issue de la lutte armée n’était pas un fonds de commerce inépuisable et qu’il leur fallait obtenir, sauf à être frappé du syndrome Mugabe, la seule qui vaille désormais : celle des urnes. Certes, le chef de l’État compte bien mettre à profit sa victoire pour briguer en 2009 un nouveau mandat. Mais l’Angola vient de si loin qu’on est presque tenté de lui pardonner cette entorse douloureuse au principe de bonne gouvernance.

D’autant que pour les 17 millions d’Angolais l’important n’est pas là. Avec son économie dont la taille a quadruplé depuis la fin de la guerre en 2002, avec son taux de croissance phénoménal de 21 % en 2007, avec ses 250 millions de dollars quotidiens de profits pétroliers estimés, avec son rang de quatrième producteur mondial de diamants, le pays croule sous l’argent tout en étant, en termes de développement humain, le 36e du continent africain : les deux tiers de sa population vivent encore avec moins de 2 dollars par jour. Jusqu’ici, le Niagara des pétrodollars a surtout servi à trois choses. Construire des infrastructures, permettre au pouvoir de s’affranchir de toute pression extérieure en remboursant ses dettes, en se passant des bailleurs de fonds internationaux et en maîtrisant l’inflation. Et enrichir, via la corruption, une nomenklatura ostentatoire, courtisée avec zèle par les majors du pétrole et au nationalisme ombrageux. Pendant la campagne électorale, José Eduardo Dos Santos a énormément promis en termes de redistribution de la manne. Dans les « musseques », ces bidonvilles qui jouxtent les enclaves rutilantes de l’or noir, on attend de voir pour le croire.

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