La question russe

Publié le 7 septembre 2008 Lecture : 2 minutes.

Évidemment, le président géorgien Mikheïl Saakachvili, porté par la sensation toujours dangereuse d’être protégé par l’ami américain, s’est comporté comme un va-t-en-guerre suicidaire, en bombardant à l’aveuglette la petite ville de Tskhinvali, en Ossétie du Sud.
Évidemment, il faudrait parler de la stratégie occidentale. Encercler le nouvel empire par des pays membres ou proches de l’Otan, prendre pied militairement dans les anciennes républiques soviétiques, installer des systèmes antimissiles en Pologne ou en Tchéquie, contourner la Russie pour l’acheminement du gaz et du pétrole, donner l’impression de vouloir lui couper l’accès aux mers chaudes (obsession nationale depuis les tsars), tout cela, un jour ou l’autre, devait mal finir.
La Géorgie en a fait les frais. La Russie a étalé sa puissance, de manière brutale.
Regardons-la, tout de même, cette Russie si forte. Ce fut une victoire militaire éclatante sur une armée géorgienne inexistante. Une opération menée avec des chars estampillés années 1970 et des vieux camions dont un certain nombre sont tombés en panne sur le bord des routes.
Regardons-la, cette Russie si puissante. La guerre de Géorgie aura fait plus pour le resserrement américano-européen que la guerre d’Afghanistan. Les grandes nations émergentes, la Chine, l’Inde, ont gardé un silence quasi réprobateur. Les anciennes républiques soviétiques, et tout particulièrement les autocraties caucasiennes, traumatisées, vont chercher à se protéger par tous les moyens, en particulier sous l’ombrelle américaine. Les investissements se détournent de Moscou (où les lois sont à application variable). Dmitri Medvedev et Vladimir Poutine bombent le torse, mais, au fond, ils sont seuls et isolés.
Regardons-la, cette Russie si puissante. Le pouvoir est devenu de plus en plus autoritaire, tenu par les siloviki, les enfants du KGB. La démocratie russe est mort-née. La censure est permanente. Les assassinats politiques fréquents. Anna Politkovskaia, une journaliste, a été abattue, et ses assassins courent toujours. La justice est entre les mains du pouvoir, et Mikhaïl Khodorkovski est au bagne. Les oligarques qui profitent des largesses du pouvoir entretiennent un train de vie indécent aux quatre coins de la planète. Et pourtant, que produit la Russie ? Le peuple continue à vivre dans la pauvreté bercé par l’illusion d’appartenir à une grande puissance renaissante.
La Russie ne produit pas grand-chose à part beaucoup d’or noir. La force et les erreurs de la Russie viennent largement de cette ivresse pétrolière (comme en 1979, d’ailleurs, lors de l’invasion de l’Afghanistan).
Pour ramener la Russie à une attitude plus pragmatique, il faudrait que le prix du baril baisse de manière significative. Pour ramener la Russie à de meilleures intentions, il faut dialoguer avec elle, l’intégrer plus encore dans l’économie moderne, répondre à son sentiment d’insécurité.
Mais la Russie elle-même doit changer. Le comportement de la Russie impressionne, inquiète, mais ce n’est pas celui d’une grande nation moderne du XXIe siècle.

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