Bataille pour le ciment camerounais
Forte demande des voisins, déficit de production et investissements bloqués. Cimencam réclame une hausse des prix. le gouvernement hésite…
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Jean-Pierre Le Boulicaut, directeur général des Cimenteries du Cameroun (Cimencam), filiale du groupe français Lafarge, explique sans cesse que le gouvernement camerounais devra se résoudre à une hausse du prix du ciment. L’entreprise ne parvient plus à faire face à l’augmentation des facteurs de production (matières premières, électricité, transport), qu’elle chiffre à 40 % depuis un an, et encore moins aux investissements prévus pour augmenter la capacité de ses usines. 26 milliards de F CFA (40 millions d’euros) viennent d’être consacrés à l’acquisition d’un nouveau broyeur pour l’usine de Bonabéri. L’objectif est de porter la production de Cimencam dans le pays à 1,6 million de tonnes de ciment par an dès 2010. « À ce moment-là, projette Jean-Pierre Le Boulicaut, la sous-région consommera 2,5 millions de tonnes par an. »
Prix bloqué depuis un an
À ces arguments économiques, le gouvernement oppose des ajustements politiques. L’augmentation de 18 % discutée entre les deux parties en octobre 2007, qui devait porter à 5 000 F CFA le sac de 50 kg, n’a pas eu lieu. Après les émeutes de février, le Premier ministre a préféré revoir sa copie. Le risque était trop grand, alors que la population se plaignait d’une inflation à plus de 10 % par an. La décision n’a fait que compliquer les relations avec l’industriel, dans un débat où interviennent, de manière pas toujours coordonnée, le ministre du Commerce et sa logique de baisse des prix, celui de l’Industrie, qui veut promouvoir l’investissement, le ministre des Finances et son approche des prélèvements fiscaux, sans oublier le Premier ministre qui entend préserver la paix sociale.
Pour chacun, Jean-Pierre Le Boulicaut détaille la situation. L’augmentation de la demande au Cameroun, comme dans tous les pays de la Cemac, de 10 % par an en moyenne. Face à quoi l’outil de production de Cimencam se révèle incapable de produire plus de 1,25 million de tonnes par an, alors que le marché interne réclame 150 000 tonnes de plus et la Cemac encore 650 000 tonnes. De plus, le sous-équipement des voisins en cimenteries (seule la Guinée équatoriale en possède une, d’une capacité de 200 000 tonnes par an) engendre des écarts de prix avec le Cameroun – ils peuvent passer du simple au double, voire au triple en Centrafrique ou au Tchad -, qui incitent les revendeurs à livrer la sous-région au détriment du Cameroun.
L’importation des 150 000 tonnes manquantes a, un temps, paru être une solution de compromis. Mais elle a abouti à une impasse : le sac de ciment acheté au Pakistan, en Roumanie ou en Égypte est vendu 6 200 F CFA en moyenne à Douala, c’est-à-dire 45 % plus cher que celui de Cimencam. Du coup, le gouvernement se trouve pris au piège. Soit il accepte une augmentation des prix du ciment, soit il fait une croix sur le dynamisme du secteur de la construction des logements privés, comme sur les chantiers de grande ampleur que l’on voit fleurir un peu partout, conséquence de l’apport de fonds résultant de l’Initiative PPTE (pays pauvres très endettés). Le groupe français a bon espoir que ses arguments débouchent sur une révision du « contrat moral » de blocage des prix. En attendant, il déplore une situation qui lui fait perdre 15 millions d’euros par an.
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