Porto-Novo à l’abandon

Publié le 7 août 2005 Lecture : 3 minutes.

Porto-Novo est à l’image de son histoire : laissé à l’abandon. Et rares sont ceux qui se souviennent de l’origine du nom de la ville. Si beaucoup connaissent son héritage portugais, peu de gens savent en revanche qu’Eucharistus de Campos baptisa ainsi la cité en 1730 parce qu’elle ressemblait à la cité portuaire de Porto, au nord du Portugal.
Occultant leur passé, c’est avec une certaine indifférence que les habitants de la capitale béninoise assistent à la lente dégradation de leur patrimoine. Les demeures coloniales de terre, renforcées en leur base par des briques pour résister aux inondations, ne sont plus que l’ombre d’elles-mêmes. Les coursives, autrefois utilisées pour créer des courants d’air dans les maisons, sont aujourd’hui désertes, tandis que les fenêtres restent désespérément closes. Quant aux façades ocre, délavées par les pluies torrentielles et le soleil brûlant, elles côtoient de monstrueuses bâtisses en béton recouvert de carreaux brillants, signes de modernité.
Capitale du Bénin, Porto-Novo cherche depuis des années à redonner un peu de substance à son statut. Car, à moins d’une heure d’embouteillages, Cotonou, sa bouillonnante rivale, ne s’est pas contenté de devenir le poumon économique du pays. Après avoir su attirer les entreprises, l’agglomération a aussi soufflé à l’ancienne cité portugaise ministères et chancelleries. Seuls les artistes trouvent encore du charme à la ville délaissée et à ses quelque 300 000 âmes. Le jardin des plantes, où les singes chahutent dans les arbres majestueux, la lagune, sur laquelle les pirogues glissent silencieusement, ou les vestiges royaux demeurent des lieux propices à l’inspiration. Pour les touristes, ce sont aussi des espaces très prisés, une fois les quelques musées de la ville visités.
François est guide dans l’un d’entre eux : le musée d’Honmé. Il semble avoir appris par coeur l’histoire de cet ancien palais. Sa voix, rythmée comme les gouttes de pluie qui s’écrasent sur le sol sablonneux, prend un ton solennel pour évoquer le roi Toffa, qui commanda la construction de l’édifice en 1890.
Pour pénétrer dans les salles sombres de l’ex-demeure du monarque, un rituel est toujours de mise : l’hommage à la divinité d’Atinga. « Autrefois, les rois immolaient un chien et allumaient une bougie pour s’assurer de sa protection », explique le guide. Nous sommes dans l’ancien Dahomey, le berceau du vaudou…

Jusqu’à l’année dernière, la polygamie était une coutume dont aucun homme ne se privait au Bénin. Surtout pas les monarques. Le roi Toffa, encore lui, eut ainsi cent huit épouses. Toutes ne logeaient pas en même temps au palais royal : elles y séjournaient par deux à tour de rôle pendant vingt et un jours, avant d’être remplacées. Entièrement dévouées à leur époux, les reines l’accompagnaient jusque dans la mort. Une fois le décès du roi annoncé au peuple, toutes ses épouses étaient empoisonnées pour cheminer avec lui vers « l’autre rive ».
Quand l’heure arriva pour lui d’entreprendre ce voyage, en 1908, le roi Toffa avait déjà signé un accord de protectorat avec les Français. Il s’était aussi converti au christianisme… Même si la tombe dans laquelle il repose aujourd’hui affiche tous les symboles d’une religion syncrétique encore de rigueur.
La mort du roi Toffa marque la fin de la lignée des dix-neuf rois de Porto-Novo. Après lui, ce sont des chefs supérieurs qui se succéderont à la tête du royaume. Très vite pourtant, leur marge de manoeuvre se réduisit et ils furent contraints d’appliquer rigoureusement les décisions françaises.
Le dernier chef supérieur disparaît en 1976. Sans héritier, la lutte pour sa succession conduit finalement à l’abandon du palais. Ce n’est qu’en 1988 que l’État se décide à le restaurer et à l’ouvrir au public. D’après un inventaire réalisé en 2001 par les autorités en charge du patrimoine historique du site, 597 édifices mériteraient de retrouver leur faste d’origine. « Il faudrait que Porto-Novo soit classé patrimoine de l’humanité », conclut judicieusement un notable, alors qu’un muezzin appelle à la prière. Ici, plus de 300 mosquées ont été construites, et sans doute presque autant d’églises. « Il y a une surenchère étonnante des religieux, alors que cet argent pourrait servir justement à embellir une ville où 65 % de la population est animiste », poursuit l’homme.

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