12 mai 1881: la France instaure son « protectorat » sur la Tunisie

Publié le 7 mai 2006 Lecture : 2 minutes.

«Vous ne pouvez laisser Carthage entre les mains des Barbares ; vous serez contraint de vous en emparer », souffle le ministre britannique des Affaires étrangères à l’oreille de son collègue français. Nous sommes en mars 1878, pendant le Congrès de Berlin, à l’issue duquel la France va obtenir le feu vert des puissances européennes pour mettre à exécution son plan d’occupation de la Tunisie.

Au début de 1881, la France est d’autant plus pressée de passer à l’action que les prétentions italiennes sur la Tunisie, cette régence autonome de l’Empire ottoman, se précisent. « Nous avons chaque semaine un casus belli sur la frontière. Il dépend de nous de le faire valoir », écrit le consul de France Théodore Roustan. Ce casus belli, Roustan va le trouver sans peine à la suite d’une querelle à la frontière entre la Tunisie et l’Algérie, territoire français depuis 1830. Selon la version française, les tribus tunisiennes des Khroumirs ont pénétré en territoire algérien afin d’exercer des représailles à la suite d’une sombre affaire de vol de bétail. Les « horribles outrages » que, selon Roustan, les Khroumirs auraient perpétrés le 30 mars 1881 n’ont jamais été prouvés, mais qu’importe : le consul français saute sur le prétexte et informe le palais du Bardo de la volonté française de châtier les agresseurs et de rétablir la sécurité sur la frontière.
Le 20 avril, trente et un mille soldats français y sont massés. Quatre jours plus tard, ils pénètrent en territoire tunisien. Le 26, le Kef est occupé, l’armée tunisienne bat en retraite. Le 1er mai, une escadre tricolore mouille devant Bizerte. Le 3, le général Bréart y débarque. Le 11, ses huit mille hommes sont aux portes de Tunis. L’officier demande une audience à Mohamed Sadok Bey. L’entrevue a lieu le 12 mai 1881, à 16 heures, au palais beylical de Kassar Saïd. Après lecture du projet de traité soumis par le gouvernement français, le général Bréart annonce au souverain que l’ultimatum expire à 21 heures. Faisant fi de l’opposition de nombreux dignitaires, mais aussi de la population, prête à résister, le bey cède. Vers 19 heures, deux heures avant l’expiration de l’ultimatum, ce prince sans caractère et sans instruction appose sa signature au bas du traité établissant officiellement le protectorat français.

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En vertu de ce texte, l’État tunisien renonce à sa souveraineté sur les plans militaire, diplomatique et financier. Les Français mettront deux ans pour mater le soulèvement des régions du Centre et du Sud qui échappent encore à leur contrôle. Le 8 juin 1883, la convention de La Marsa entérine leur mainmise sur le pays. Ce nouveau texte oblige le bey à apposer son sceau sur « toute réforme administrative, politique, financière et juridique » jugée utile par la France. Les cadres administratifs tunisiens sont maintenus, mais ils sont doublés par des fonctionnaires français. En apparence, le bey conserve ses prérogatives, mais la réalité du pouvoir exécutif est détenue par le résident général français. Ce n’est donc plus d’un « protectorat » qu’il s’agit, mais d’une annexion pure et simple.
La lutte politico-militaire pour l’indépendance sera déclenchée en 1934. Il faudra attendre le 20 mars 1956 pour qu’après l’abrogation des traités du Bardo et de La Marsa celle-ci soit enfin proclamée. ¦

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