Haro sur les tabous

À travers ses écrits, Sanaa Elaji brosse un portrait au vitriol de la société marocaine.

Publié le 7 mai 2006 Lecture : 2 minutes.

Sanaa Elaji, 29 ans, n’a pas sa langue dans sa poche. Son truc : faire la peau aux tabous. Et en arabe, c’est plus drôle. Dans ses tribunes comme dans son roman, elle fait un portrait au vitriol de la société marocaine et, avec elle, de l’image fantasmagorique qu’elle a de la femme. La virginité ? Une mascarade. La fidélité ? Un mythe. Le mariage traditionnel ? Une forme de prostitution.
Après des études de communication, Sanaa s’est imaginée actrice. Elle jouera plusieurs rôles au cinéma, à la télévision et au théâtre, mais abandonnera l’idée de faire carrière dans un métier, qui, au Maroc, ne permet pas de vivre. Entre-temps, elle se lance dans la production audiovisuelle et anime plusieurs émissions télévisées.
Elle voue une même passion à l’écriture. Elle n’a pas 17 ans lorsqu’elle écrit sa première nouvelle, qui lui vaudra un prix et une parution dans le quotidien Al Itihad Al Ichtiraki. Mais c’est quelques années plus tard, en 2002, qu’elle écrit son premier roman en arabe : Majnounatou Youssef (Folle de Youssef). « Traditionnellement, ce sont les hommes qui aiment, déclament et écrivent leur amour, explique l’auteur. Dans ce roman, c’est le personnage de Zineb qui assume sa passion charnelle et sa relation illégitime, car hors mariage, faisant fi de l’hypocrisie ambiante au Maroc qui permet aux femmes d’agir, mais sans le dire. »
Son roman sera finalement publié en octobre 2003 par une nouvelle maison d’édition, Argana, spécialisée dans la découverte de jeunes auteurs. Elle est alors conviée à écrire dans une tribune du quotidien Assahra Al-Maghribya réservée aux auteurs féminins du Maroc et de la diaspora. Depuis, elle y publie régulièrement des diatribes à la fois sensibles et acérées, un numéro de « strip-tease » qui n’est pas du goût de tous : « Certains m’ont félicitée pour ma franchise, d’autres m’ont insultée, m’accusant de faire l’ode du libertinage, voire du dévergondage. Cela m’a inquiétée un moment, mais je n’ai pas pu m’empêcher de remettre ça. »
Et elle vient encore de remettre ça dans une autre publication et dans une autre langue. Depuis le mois de mars 2006, elle publie dans le mensuel francophone Citadines les chroniques – caustiques – d’une certaine Chama Watani. « Chama incarne une catégorie de femmes, certes minoritaires au Maroc, mais qui existent. Indépendantes sans être forcément féministes, libérées sans être forcément libertines, elles se battent pour garder leur part d’intégrité dans une société où il vaut mieux se fondre dans la masse. » Sanaa Elaji pense déjà à faire de ses chroniques un roman, qui sera publié en français, et parle même d’un deuxième roman arabe.

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