Bollywood

Publié le 7 mai 2006 Lecture : 3 minutes.

Impossible fin avril et début mai de trouver une place de libre pour voir pendant le week-end Veer-Zaara dans l’une des sept salles de l’agglomération parisienne qui présentaient ce mélodrame tout droit issu de Bollywood. Un succès étonnant qui venait confirmer celui qu’a connu à partir du 26 avril une Bollywood week organisée au Rex, le plus grand cinéma de la capitale. À l’occasion de cette rétrospective, on a même frisé l’émeute lors de la venue de plusieurs vedettes du cinéma indien. À commencer par celle du héros de Veer-Zaara, la mégastar Shah Rukh Khan.
Le succès du cinéma indien sur son territoire est déjà étonnant : ne laissant aux films américains qu’un rôle très secondaire (5 % des spectateurs), il domine un marché de plusieurs milliards d’euros grâce aux 12 000 salles en activité dans le pays et aux revenus annexes que génèrent les quelque 900 à 1 000 films réalisés chaque année (record mondial). Mais, on le sait, d’autres régions, notamment en Asie et en Afrique, Maghreb en tête, raffolent depuis longtemps du Masala (mélange) qui séduit tant de spectateurs : une intrigue amoureuse romantique qui vire au drame avant un happy-end, l’apologie des valeurs familiales, des chants et des danses qui envahissent l’écran à tout propos, le tout dans un contexte villageois plein de couleurs. Ce qui est nouveau, donc, c’est que les films indiens sont en passe de s’imposer comme un genre majeur dans les pays occidentaux.
La puissance du cinéma indien ne tient pourtant pas qu’à Bollywood, cette industrie de la romance ainsi baptisée car elle réussit à allier les recettes à succès d’Hollywood (à la grande époque des comédies musicales) et celles des producteurs de Bombay qui imposent aux réalisations un ancrage dans la réalité locale. Les studios de la capitale économique du pays ne contrôlent en effet que moins de la moitié de l’industrie cinématographique nationale, également très dynamique dans d’autres régions comme celles de Madras, de Calcutta ou du Kerala. Mais, côté succès public et surtout exportation, ils restent largement en tête et ne sont pas près d’être détrônés. D’autant qu’ils savent s’adapter au monde d’aujourd’hui.
Ainsi, suivant en cela l’évolution de l’économie nationale qui s’est ouverte à l’extérieur depuis le début des années 1990, les grands studios sont entrés de plain-pied dans l’ère de la mondialisation. Ils misent sur une rentabilisation plus rapide des films (forte augmentation du prix des places en visant en priorité le public des grandes villes, multiplication des investissements promotionnels, etc.) et sur les revenus annexes (DVD, droits musicaux, télévision, etc.). Et sur l’augmentation des recettes à l’étranger. Bien entendu, une telle évolution n’a pas été sans effet sur le contenu des films. Le décor villageois ne disparaît pas toujours, mais il devient très courant qu’une partie de l’histoire – parfois même la totalité – se passe dans un autre contexte, éventuellement à l’étranger (cf. le récent succès de New York Masala). La musique ou les danses sont de moins en moins traditionnelles. Et les sujets, avec une dimension sociale toujours présente, accompagnent volontiers, directement ou indirectement, l’actualité.
Tourné par le vétéran de Bombay Yash Chopra, Veer-Zaara, plus grand succès indien des temps récents, illustre assez bien cette évolution en mélangeant la formule classique du Bollywood et des ingrédients moins habituels. Contant comme toujours, sur fond de chants et de danses, l’histoire d’un amour contrarié, le film, avec de forts accents féministes et un penchant moderniste, a pour héros une Pakistanaise et un Indien. Et, même s’il garde une petite tonalité nationaliste, il prêche ouvertement pour la réconciliation et la tolérance – religieuse, culturelle, politique. Un message adapté à l’air du temps. Sur toute la planète.

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