Que 2007 nous apporte la pensée stratégique

Publié le 7 janvier 2007 Lecture : 2 minutes.

L’événement le plus important de 2006 fut peut-être l’intrusion du crâne de Zidane dans la conscience internationale. Vous me dites : « le crâne de Zidane, c’est plutôt dans la poitrine de Materazzi qu’il est entré », et vous avez raison. Mais au niveau métaphorique, c’est bien dans l’imaginaire mondial qu’il est entré. D’Helsinki au Cap et de Pékin au Pérou, des milliards de bonshommes ont découvert qu’on ne plaisante pas avec les valeurs sacrées du macho maghrébin.
Je m’empresse d’ajouter que le mot macho n’est pas péjoratif. Il signifie simplement « mâle » en espagnol et a donc quelque chose à voir avec la virilité. Les chauves ont la réputation d’être un peu plus virils que ceux qui exhibent une toison exubérante. C’est peut-être pour prouver cela que l’ami Zidane s’est planté comme une torpille dans l’abdomen de l’Italien insulteur.

On peut gagner la Coupe du monde grâce à un coup de tête bien placé, qui envoie la balle au fond des filets, mais on peut aussi décocher un coup de tête qui envoie l’adversaire au sol. Qu’a-t-on gagné, dans ce cas ? Rien, absolument rien. Dix mille machos marseillais ou maghrébins peuvent bien clamer que l’affront a été vengé et qu’on n’insulte pas impunément la famille d’un enfant de la Méditerranée, le résultat est là : c’est l’auteur de l’affront qui est champion du Monde et non pas l’homme qui a sauvé l’honneur de sa sur.
Quelques semaines plus tard éclatait la guerre entre le Hezbollah libanais et Israël. Peu de gens ont vu le rapport avec le « coup de boule » de Zidane, mais, à bien y réfléchir, c’est un peu la même chose. Non pas qu’il faille désormais crier « Zidane, Nasrallah, même combat ! », mais la logique est la même : on attaque avec panache l’ennemi ou l’adversaire, même quand on a infiniment plus à perdre qu’à gagner. L’important, c’est le geste, la posture, la bella figura. Nasrallah est devenu le héros du monde arabe et musulman pour avoir planté son crâne enturbanné dans la poitrine de l’Israélien Olmert. Peu importe si, par la suite, les trois quarts du Sud-Liban ont été ravagés, si des milliers de gens ont trouvé la mort, si cette guerre s’est finalement soldée par un retour à la case départ. Le coup de turban, voilà l’essentiel.

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On peut trouver très belle et très noble cette attitude, mais on peut aussi déplorer son manque de profondeur stratégique. Zidane aurait pu attendre quelques minutes, gagner la Coupe et ensuite se défouler en encornant Materazzi : il aurait eu l’honneur et la victoire. Nasrallah aurait pu attendre que le front arabe devienne assez puissant pour envisager une réelle victoire, sur le terrain, une victoire qui aurait vraiment fait bouger les choses. Mais non : tapons dans cette poitrine insolente, ici et maintenant.
C’est pourquoi l’occiput zidanien me semble emblématique de l’année qui vient de passer. Il a mis en évidence cette difficulté à penser à long terme, de façon stratégique, qui est parfois le drame des « Arabes », fussent-ils kabyles ou chiites. Souhaitons que 2007 nous apporte la capacité de réfléchir avec notre tête, au lieu de nous en servir comme d’un bélier.

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