Mort de François Mitterrand

Publié le 7 janvier 2007 Lecture : 3 minutes.

Ce rendez-vous avec la mort, il l’avait préparé de longue date. Atteint d’un cancer de la prostate, diagnostiqué dès 1981, mais qu’il n’avait consenti à divulguer qu’en 1992, François Mitterrand avait senti passer son souffle à plusieurs reprises et ne cessait de l’évoquer. La Faucheuse surviendra au matin du 8 janvier 1996. L’ancien président français, qui avait fêté ses 79 ans le 26 octobre précédent, était apparu fatigué au cours des derniers jours, mais son entourage n’avait pas jugé utile de le faire hospitaliser ; il avait même passé les fêtes de fin d’année en Haute-Égypte. Et c’est dans l’appartement du 7e arrondissement de Paris mis à sa disposition par l’État depuis le 17 mai 1995 qu’il rendra l’âme, sept mois seulement après avoir cédé les clefs de l’Élysée à Jacques Chirac. Avec lui disparaît l’une des plus grandes figures politiques de la France du XXe siècle. Onze fois ministre sous la IVe République après s’être illustré dans la Résistance, leader de la gauche à partir de 1965, année où il met le général de Gaulle en ballottage, avant d’accéder, en 1981, à la tête de l’État en battant le président sortant, Valéry Giscard d’Estaing, il a marqué de son empreinte un demi-siècle de la vie de son pays.

L’heure n’étant pas encore aux inventaires, les manifestations de sympathie fusent de toutes parts. Dès le milieu de la matinée, et avant même que l’annonce du décès de son prédécesseur n’ait été rendue publique, le président Chirac est allé se recueillir sur sa dépouille. Pour une bonne partie de la gauche, c’est l’émotion qui domine tout autre sentiment. Avenue Frédéric-Le Play, en face de ce Champ-de-Mars où il aimait à se promener en dissertant avec tel ou tel – notamment le journaliste Georges-Marc Benamou, qui tirera un livre de ses échanges avec le vieil homme -, ses proches commencent à affluer en fin de matinée. Fidèles parmi les fidèles, les premiers à se présenter sont les anciens ministres socialistes Robert Badinter, Jack Lang, Michel Charasse, Jean-Louis Bianco, Roland Dumas, Claude Estier. Pierre Bergé, le PDG d’Yves Saint Laurent, qui partageait avec l’ancien chef de l’État la même passion pour l’art, de même que Pierre de Bénouville, ex-député RPR de Paris, donc du camp politique opposé, mais qui avait noué avec lui de solides liens d’amitié pendant la Résistance, sont également là.
Tandis que grossit la foule des badauds devant l’immeuble de l’avenue Frédéric-Le Play, les personnalités se succèdent pour saluer la mémoire de l’ancien président. L’un des derniers visiteurs sera Yasser Arafat, de passage à Paris. À 20 heures, Jacques Chirac apparaît à la télévision pour un hommage solennel, où percent le respect et la considération, à son ancien adversaire, dont il fut aussi le Premier ministre entre 1986 et 1988.
Il ne restait plus qu’une place dans le caveau familial de Jarnac, petite ville de la Charente, dans l’ouest du pays, où François Mitterrand avait vu le jour en octobre 1916. Seuls ses intimes et les habitants du lieu assisteront à l’inhumation. Le 11 janvier, autour du cercueil recouvert du drapeau tricolore, se trouve rassemblée l’étrange famille de l’ancien président : son épouse Danielle, ses deux fils Jean-Christophe et Gilbert, mais aussi Mazarine, la fille qu’il a eue avec une autre femme, Anne Pingeot, et dont il a longtemps caché l’existence. Au même moment, à Notre-Dame-de-Paris, tout ce que le monde compte comme sommités – dont soixante et un chefs d’État et de gouvernement – se presse pour un dernier hommage à l’homme qui a présidé aux destinées de la France pendant quatorze ans.

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« Nous devons être à la hauteur du bilan qu’il nous a laissé », avait déclaré le 8 janvier François Hollande, alors porte-parole du Parti socialiste. Quelque dix ans plus tard, ce bilan apparaît largement positif – surtout par comparaison avec celui de son successeur – aux yeux de ses compatriotes. Malgré les zones d’ombre du personnage – comme son passage au service du régime pétainiste en 1942 – et bien que les dernières années de son règne aient été assombries par un climat d’affairisme détestable, on retient les grandes réformes qui ont marqué ses deux septennats, comme l’abolition de la peine de mort, la libéralisation de l’audiovisuel et de nombreuses mesures d’ordre social telles que la création du revenu minimum d’insertion. Surtout, grâce à François Mitterrand, la gauche, éloignée du pouvoir pendant un quart de siècle, avait pu démontrer qu’elle était capable de gérer les affaires de l’État aussi bien que la droite.

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