Mesdames les députées

Elles ont bénéficié de la nouvelle loi imposant la présence de 20 % de femmes sur les listes électorales

Publié le 7 janvier 2007 Lecture : 3 minutes.

Dans la vaste opération de démocratisation engagée en Mauritanie sous l’il bienveillant de la communauté internationale, les artisans du « changement » ont poussé le zèle jusqu’à institutionnaliser la participation des femmes à la vie politique. À l’occasion des élections législatives et municipales du mois de novembre 2006 – premières consultations organisées depuis la chute de l’ancien régime -, le gouvernement provisoire a fait voter une loi organique imposant la présence sur chaque liste d’au moins 20 % de candidates.
La mesure n’a sans doute pas fait l’unanimité chez les hiérarques des différents partis, mais elle a quand même suscité un certain nombre de supporteurs enthousiastes, convaincus que « 20 %, ça peut rapporter gros ! » Le slogan a d’ailleurs été repris à leur compte par les ONG impliquées dans une campagne d’éducation civique orchestrée par le Programme des Nations unies pour le développement (Pnud), le Fonds des Nations unies pour la population (Fnuap) et l’Unicef, en collaboration avec le secrétariat d’État à la Condition féminine. L’intention est assurément louable, mais le mot d’ordre paraît quand même très éloigné des préoccupations féministes habituelles. Et puis, on peut quand même se demander à qui ce quota de 20 % est susceptible de « rapporter gros ».
À qui ? Avant tout, bien sûr, aux candidates elles-mêmes. Et aux têtes de liste en premier lieu. La plupart ont la fibre « communicante » et ne rechignent pas à faire la promotion de leur parcours personnel – souvent atypique, il est vrai -, davantage que de leur programme. Maures, Peules, Wolofs, Soninkés ou métisses, elles ont entre 40 ans et 55 ans et sont généralement issues de familles traditionalistes. C’est souvent par le mariage, parfois par le divorce, qu’elles sont parvenues à se libérer du carcan de la tradition. Pour elles, un mari n’est pas un père ; gardien de valeurs immuables. Il peut même se révéler un allié précieux pour une femme désireuse de s’instruire ou d’exercer une activité salariée.
À force de persévérance, à contre-courant des stéréotypes sociaux, elles ont réussi à se constituer un patrimoine en ouvrant qui un restaurant, qui une boutique. Certaines ont acquis terres et troupeaux. Responsables de coopératives agricoles ou présidentes d’ONG, elles se sont fait une place chez les notables locaux. Mais ces « dames patronnes » n’ont apparemment pas d’autre ambition que la réussite personnelle. Les luttes sociales, l’émancipation des femmes et le changement des mentalités sont apparemment le cadet de leurs soucis.
Beaucoup sont complètement novices en politique, mais ont brillamment réussi dans le domaine économique. Leur nouvelle carrière d’élue s’apparente à un investissement, rentable sans doute, mais risqué. Vingt-sept pour cent des élus municipaux sont aujourd’hui des femmes. Et les députées sont aujourd’hui au nombre de dix-sept, contre trois dans la précédente Assemblée.
Les nouvelles élues ne sont pas toutes convaincues du bien-fondé de l’instauration d’un quota – même si elles en ont profité. À propos d’une liste exclusivement composée de femmes présentée dans un village de la commune d’Aïoune, Mint Chah, véritable légende vivante dans la région et candidate aux municipales à presque 80 ans, se moque méchamment : « Ces femmes, elles ne savent même pas écrire leur nom ! Comme elles, beaucoup étaient prêtes à se présenter en échange d’un peu d’argent ! » Le moins que l’on puisse dire est que cette vénérable notable a un caractère bien trempé, mais elle n’a pas tout à fait tort. Il est vrai que les partis ne prennent souvent pas la peine de recruter des femmes compétentes. Pis, ils n’hésitent pas à l’occasion à payer la première oiselle venue pour pouvoir présenter une liste. Un effet pervers de la politique des quotas.
Première – et unique – femme à présider un parti mauritanien – l’Union pour la démocratie et le progrès (UDP), en l’occurrence -, Naha Mint Mouknass a plusieurs fois manifesté son hostilité à la « loi des 20 % ». Elle est favorable à une représentation politique fondée « uniquement sur le mérite, la compétence et la représentativité ». Il est vrai que toutes les femmes compétentes n’ont pas, comme elle, la chance d’être la fille du fondateur de son parti. Au total, même s’il est parfaitement exact que le quota a suscité un certain nombre de candidatures « opportunistes », il est permis d’espérer qu’il constitue une brèche dans laquelle d’autres femmes, compétentes celles-là, ne manqueront pas de s’engouffrer sans attendre un hypothétique « changement des mentalités ».

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires