Les infirmières et le poseur de bombe

Kadhafi suggère aux Occidentaux un étrange marchandage.

Publié le 7 janvier 2007 Lecture : 2 minutes.

« Ce procès a été une mascarade », a estimé Mouammar Kadhafi, le 29 décembre. Le « Guide » de la Jamahiriya libyenne n’évoquait pas le procès, dix jours auparavant à Tripoli, des cinq infirmières bulgares et du médecin palestinien condamnés à mort, sans l’ombre d’une preuve, pour avoir inoculé le virus VIH à 426 enfants. Non, il parlait naturellement de celui de Saddam Hussein, à Bagdad. Pourtant, dans son esprit, les deux événements sont liés. L’ex-dictateur irakien, le staff médical de l’affaire du sida et l’agent libyen Abdel Basset Ali el-Megrahi (qui purge depuis 2001 une peine de prison à vie pour son rôle dans l’attentat de Lockerbie, en 1988) sont pour lui les personnages d’une « même tragédie ».
Aux Occidentaux qui dénoncent la partialité du tribunal de Tripoli, Kadhafi répond que la condamnation de Megrahi par un tribunal écossais était, elle aussi, inique. « Pourquoi dites-vous que, malgré le verdict [du tribunal libyen], il faut libérer les membres de l’équipe médicale ? Dans ce cas, nous disons que, malgré le verdict du tribunal écossais, il faut aussi libérer Abdel Basset [el-Megrahi]. Si vous dites non [pour ce dernier], eh bien, ils [les personnels soignants] ne seront pas libérés ! »
C’est la première fois que Kadhafi suggère ouvertement l’idée d’un échange de détenus jugés. Ce qui pourrait ouvrir la voie à une solution diplomatique avec l’Union européenne (dont la Bulgarie est membre depuis le 1er janvier) et les États-Unis, qui conditionnent la normalisation de leurs relations avec la Libye à l’apurement de ce contentieux. Pour donner aux diplomates le temps nécessaire, les travaux de la Haute Cour chargée d’examiner en appel l’affaire des infirmières pourraient traîner en longueur.
Le « Guide » a en effet demandé aux magistrats de justifier l’accusation d’une inoculation « délibérée » du virus, ce qui, a priori, constitue une remise en cause du verdict prononcé en première instance. « Le problème n’a pas encore été résolu, soutient-il. Le plus important est de savoir pourquoi l’équipe médicale a inoculé le virus du sida aux enfants. Nous voulons demander aux accusés : est-ce que les services libyens vous ont apporté une fiole contenant le virus et vous ont dit de contaminer les enfants ? Ou s’agit-il des services américains, israéliens, bulgares ou indiens ? » Autant dire que la Haute Cour ne risque pas d’apporter de réponses à de telles questions ! Reste à espérer qu’elle accordera aux condamnés le bénéfice du doute et ne retiendra que le mobile de négligence, ce qui entraînerait ipso facto la commutation de leur peine en une peine d’emprisonnement. Kadhafi pourrait alors répondre positivement à l’appel à la « clémence humanitaire » lancé par les Européens et les Américains en autorisant les infirmières à purger en Bulgarie le reste de leur peine. Quid, dans cette hypothèse, de Megrahi ? Et quid, surtout, d’Achraf el-Hadjoudj, l’infortuné médecin palestinien ?

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires