Fin de la récréation ?

Publié le 7 janvier 2007 Lecture : 3 minutes.

« Considérant l’ingérence du chef de l’État, chef de l’exécutif, dans le judiciaire par la libération illégale de citoyens en conflit avec la loi [] Constatant l’incapacité avérée du premier magistrat de la République d’assumer correctement la mission à lui confiée par le peuple de Guinée conformément à la Loi fondamentale [] Vu l’indifférence notoire des institutions républicaines (Cour suprême, Assemblée nationale, Conseil économique et social) face à cette situation calamiteuse »
Ce diagnostic impitoyable, ce n’est pas un parti d’opposition qui le dresse, mais la Confédération nationale des travailleurs de Guinée (CNTG) et l’Union syndicale des travailleurs de Guinée (USTG), dans un communiqué daté du 2 janvier. Ne se bornant pas au constat, les deux principales centrales du pays ont décidé d’observer « une grève générale et illimitée, sur toute l’étendue du territoire national, à compter du mercredi 10 janvier et jusqu’au rétablissement de l’ordre républicain ».
Ayant prouvé sa capacité de mobilisation au cours de deux grèves massivement suivies en février-mars et juin 2006, « l’intercentrale » CNTG-USTG a franchi le Rubicon pour s’attaquer à la cause des difficultés économiques : la paralysie du pouvoir consécutive à la dégradation de l’état de santé du président Lansana Conté, victime d’une leucémie, d’un diabète aigu et de troubles récurrents de la mémoire.
La chienlit qui s’est installée au sommet de l’État, les coups fourrés qui émaillent la lutte pour la succession dans l’entourage présidentiel et les « gaffes » répétées de Conté lui-même ont fini par décrédibiliser complètement le régime. La goutte d’eau qui a fait déborder le vase est sans nul doute l’ingérence pour le moins cavalière du chef de l’État dans une affaire judiciaire qui a défrayé la chronique.
Le 16 décembre, Conté a personnellement extrait de sa cellule de la prison centrale de Conakry l’homme d’affaires Elhadj Mamadou Sylla, accusé d’avoir frauduleusement soustrait 16 milliards de francs guinéens des caisses de la Banque centrale. Un rapport d’audit a certes disculpé le businessman, mais la méthode utilisée, qui fait à l’évidence fi de toutes les formes légales, a fini de convaincre l’opinion que le désordre au sommet atteint des proportions intolérables.
D’autant que, le 2 janvier, au palais de Sékhoutouréya, Conté a enfoncé le clou, devant six dissidents du comité national du patronat guinéen : « Si j’entends encore parler d’un patronat bis, je vous mets tous en prison. Dans ce pays, il n’y a qu’un seul patron des patrons, c’est Elhadj Mamadou Sylla. Contrairement à ce que vous prétendez, celui-ci n’a aucun problème ni avec l’État, ni avec le gouvernement, ni avec la justice. L’État, c’est moi. Le gouvernement, c’est moi. La justice, c’est moi. »
Engagée sur fond d’extrême discrédit des institutions, la grève annoncée est lourde de menaces pour ce qui reste du pouvoir guinéen. Le gouvernement ne s’y trompe pas, qui multiplie les initiatives depuis le lancement du préavis. Le 4 janvier dans la matinée, quatre ministres d’État (Affaires présidentielles, Affaires étrangères, Administration du territoire, Urbanisme et Habitat) ont tenu une réunion de crise pour tenter de définir une stratégie. Dans l’après-midi, à l’issue d’une réunion du Conseil de sécurité d’État, décision a été prise de dépêcher de discrètes missions dans les casernes. Le lendemain, un conseil interministériel élargi aux représentants du patronat a tenté de trouver des solutions aux problèmes des travailleurs. Une initiative qui a laissé de marbre des syndicats en pleine réflexion sur l’après-Conté. Après avoir invité l’armée à « défendre le laborieux peuple de Guinée en détresse », ils planchent discrètement sur différents scénarios de transition. Pour conduire cette dernière, le nom qui revient le plus fréquemment est celui de François Lonsény Fall, l’ancien Premier ministre démissionnaire, aujourd’hui représentant spécial du secrétaire général des Nations unies en Somalie.

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