D’une pendaison l’autre

Bassam al-Husseini, un conseiller du Premier ministre chiite, a déclaré à la BBC que l’exécution de Saddam Hussein était « un cadeau à l’occasion de l’Aïd au peuple irakien ». Beaucoup de sunnites, on s’en doute, ne partagent pas ce point de vue. En ce qui le concerne, Saddam, lui-même sunnite, a utilisé son dernier souffle pour cracher sur « les traîtres, les Américains, les espions et les Perses ». Pour Perses, lire chiites.

Rien d’étonnant à ce que le directeur du service étranger de la BBC, John Simpson, ait écrit de Bagdad : « L’exécution à laquelle nous avons assisté est une opération horrible, dégradante, qui fait plus penser à une pendaison publique du XVIIIe siècle qu’à un acte réfléchi de la justice du XXIe. Sous le régime de Saddam Hussein, les prisonniers étaient systématiquement tournés en ridicule et maltraités pendant leurs dernières heures. Le plus inquiétant dans la vidéo de l’exécution de Saddam, précisément exécuté pour des crimes de cette nature, est qu’elle rappelle ce qui se passait à Bagdad, de son temps. » []

Saddam méritait cent fois la mort. Mais imaginons que les dirigeants chiites aient déclaré, à la surprise générale, qu’il y avait eu assez de tueries en Irak, et qu’ils aient commué la condamnation à mort de Saddam en une condamnation à la prison à vie – lui sauvant la vie justement dans l’espoir de réunifier le pays au lieu d’aggraver les divisions. Je ne sais pas ce qui se serait produit, mais je sais que les Irakiens nous ont rarement surpris par des gestes de réconciliation – ils trouvent plutôt de nouvelles manières de s’entre-tuer.

Aujourd’hui, le président George W. Bush veut envoyer une « poignée » de renforts américains à Bagdad, pour tenter une dernière fois de rétablir l’ordre. Quand j’entends parler de ces rabibochages, je pense à un couple récemment marié, mais dont le mariage n’a jamais été très solide. Un jour, ils se disent : « Faisons un enfant, cela nous rapprochera. » Et cela ne marche jamais. [] Comme l’a rappelé une fois de plus la pendaison de Saddam, les Irakiens font les choses à leur manière. Il serait peut-être temps de ne plus s’en mêler.