Assurés malgré le sida

Les compagnies commencent à proposer des produits spécifiquement adaptés à la clientèle des séropositifs.

Publié le 7 janvier 2007 Lecture : 3 minutes.

On savait le monde de la finance en général et celui des assurances en particulier réticent ou franchement hostile à une prise en charge des malades du sida. Mais l’évolution de la pathologie et le succès des thérapies qui ont permis de rallonger significativement l’espérance de vie des porteurs du virus tendent à modifier la perception teintée de suspicion des professionnels du secteur. Concernée au premier chef en raison du nombre de séropositifs qu’elle abrite (25 millions), l’Afrique montre progressivement la voie vers une meilleure couverture des personnes infectées.
Difficile d’ailleurs de faire autrement lorsque l’épidémie touche plus de 30 % de la population des 15-40 ans, comme c’est le cas actuellement au Botswana. En Afrique du Sud, où l’on dénombre 5,5 millions de porteurs sur 47 millions d’habitants, soit un adulte sur cinq, certains assureurs n’ont plus aucun état d’âme et axent leur stratégie sur ce nouveau marché de niche que représentent les séropositifs. C’est ainsi qu’AllLife, fondée par Ross Beerman, n’hésite pas à cibler les malades bénéficiant de traitements antirétroviraux. La compagnie, qui ne cache pas son ambition de bouleverser le milieu de l’assurance en innovant et en proposant des produits originaux, en a la ferme conviction : l’espérance de vie des personnes atteintes du sida n’est pas moins longue que celle des victimes d’autres pathologies comme le diabète ou le cancer. « La perception du VIH-sida a considérablement évolué, explique Ross Beerman. Il n’est plus synonyme de mort. »
Rebondissant sur son slogan Because AllLife is for living, la compagnie propose, depuis la fin de 2005, trois assurances vie spécifiquement adaptées à cette clientèle estimée à 250 000 personnes. Un chiffre très faible, mais appelé à augmenter depuis la décision du gouvernement sud-africain, en 2004, de distribuer ces médicaments gratuitement ou à un coût très faible. En Afrique du Sud, 700 000 à 800 000 personnes ont besoin de ces thérapies. Les assurances proposées sont des produits vie classiques avec ou sans limite de durée, et dont le capital peut être reversé à un bénéficiaire en cas de décès du souscripteur. Les polices oscillent entre 200 rands (27 dollars) et 700 rands (97 dollars) par mois pour un niveau de couverture allant de 100 000 rands (13 700 dollars) jusqu’à un plafond de 1 million de rands (137 000 dollars). Bien que cette gamme exclue d’emblée les plus pauvres, majoritaires dans la communauté noire, elle n’en est pas moins unique sur le marché.
Les deux mastodontes sud-africains que sont Old Mutual et Sanlam proposent quelques produits de ce type, mais à des prix prohibitifs et à des conditions exorbitantes. La troisième compagnie de la place, Liberty, n’en propose aucun. Quant à la quatrième, Metropolitan Holdings, sa couverture se limite à 50 000 rands (6 850 dollars). Ross Beerman assume parfaitement son choix et se garde de tout angélisme. Il reste avant tout un homme d’affaires : « Notre cible sont les malades ou les familles dont les revenus excèdent 2 200 rands mensuels [303 dollars]. »
Pour bénéficier des produits AllLife, l’adhérent doit préalablement être sous traitement et s’engager à « manager » son mal conformément à son contrat, qui impose des examens réguliers et le compte rendu de leurs résultats ainsi que le respect scrupuleux des prescriptions médicales. Se défendant de tout cynisme, le directeur de la compagnie prédit deux millions de clients potentiels au cours des prochaines années. Pour y parvenir, AllLife devra toutefois redoubler d’efforts afin de mieux faire connaître sa gamme en s’appuyant en particulier sur les courtiers et des campagnes publicitaires. « Ceux ou celles qui ne souhaitent pas faire de la publicité autour de leur maladie et qui préfèrent ne pas être assurés sont encore trop nombreux, explique Ross Beerman. Mais la situation change, et les organisations qui les défendent ne relâchent pas la pression. » Le sida ne reculant pas en Afrique, ce « marché » a malheureusement de l’avenir. AllLife, qui a fait des émules au Japon et en Europe, a décidé de lancer ses produits en Namibie à partir de 2007.

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