Une très grande île…

Publié le 6 novembre 2005 Lecture : 4 minutes.

On le dit, et vous l’avez souvent vérifié : « Un bon dessin vaut mieux qu’un long discours. » Je vous invite à découvrir avec moi qu’une carte géographique permet, elle aussi, de mieux voir, ou même de découvrir, que le continent africain est une très grande île, peut-être la plus vaste du monde, en tout cas la plus peuplée : plus de 900 millions d’hommes, de femmes et d’enfants en 2005.
En dépit du sida et d’un système sanitaire défaillant, le continent, dont la croissance démographique reste forte, dépassera largement le milliard d’habitants d’ici une petite dizaine d’années ; vers 2025, il y aura dans le monde autant d’Africains que d’Indiens et presque autant que de Chinois. Tout de suite après arrivera le moment où un être humain sur six sera africain (ou indien ou chinois) : Africains, Indiens et Chinois constitueront, ensemble, la moitié de l’humanité.

Île-continent, l’Afrique a pour autre caractéristique de n’avoir pas su, à ce jour, s’insérer dans la caravane mondiale du développement alors que la Chine l’a rejointe depuis un quart de siècle, et l’Inde, il y a dix ans. Mais le continent n’est pas économiquement homogène : certaines de ses régions sont plus avancées que d’autres, et les deux minces bandes côtières qui le bordent au nord et au sud sont sensiblement plus développées que la zone intertropicale, qui est son ventre mou…

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La carte ci-contre nous montre que l’Afrique bénéficie d’une situation avantageuse entre les trois autres ensembles humains : les Amériques (du Nord, centrale et du Sud) à l’ouest ; l’Asie, dont le Moyen-Orient (et l’Australie), à l’est ; et l’Europe, couvrant tout le nord-est du continent africain.
La géographie, qui est plus déterminante encore que l’Histoire, commande aux Africains de chercher à équilibrer leurs relations et à répartir leurs échanges entre les trois grands ensembles, chacun d’eux servant de complément – et de contrepoids – aux deux autres.
Il faut qu’ils le sachent et entreprennent de le faire.

Ce que la carte ne montre pas, en revanche, ce sont les maux, les handicaps et les insuffisances du continent. J’en ai identifié cinq.
1. Situé de part et d’autre de l’Équateur, le centre de l’Afrique, que j’ai appelé son ventre mou, se trouve dans la partie du monde la moins favorisée par le climat. L’humidité excessive ici, une sécheresse implacable là et, partout, des températures élevées qui rendent le travail et l’effort plus pénibles que dans les pays de la zone tempérée : le grand économiste Jeffrey Sachs a évalué l’effet de ces handicaps à 1 %, voire 2 %, de PNB annuel en moins !
2. et 3. Le paludisme depuis plus d’un siècle et le sida depuis plus d’une génération constituent deux maux terribles qui affectent le continent africain à un degré inconnu ailleurs.
Fort heureusement, ces deux fléaux ont atteint leur apogée et devraient régresser, trop lentement hélas, avant de disparaître (voir aussi pp. 51 à 65).
4. Les infrastructures du continent laissent à désirer : ports, routes, chemins de fer, aéroports et liaisons aériennes sont insuffisants ou inadéquats ; hôpitaux, écoles, universités, logements et usines ne sont pas au niveau des besoins.
Il faudra des décennies et plusieurs dizaines de milliards de dollars pour combler retards et lacunes.

5. L’autre mal du continent est en fait une tare typiquement africaine (ou presque). Elle a pour nom la dictature, plus généralement l’accaparement des pouvoirs politique et économique par une caste ou une minorité, et, pour corollaires, la mauvaise gouvernance et de graves atteintes à la liberté et aux droits de l’homme.
Sur les 53 États-pays de l’Union africaine, combien sont gouvernés par des pouvoirs démocratiquement élus ? Si l’on décompte ceux qui prétendent l’être et sont seuls à faire semblant de le croire, on ne trouve pas plus de dix pays – un sur cinq – à être démocratiquement et convenablement gouvernés.
Dans le vaste monde, il ne reste plus que l’Afrique, le Moyen-Orient arabe et l’Amérique centrale à se mouvoir dans cette pénible arriération.
Même lorsqu’ils ont été chassés du pouvoir depuis des années, voire des décennies, les dictateurs les plus horribles ne sont ni jugés, ni a fortiori condamnés : Hissein Habré, Charles Taylor, Hailé Mariam Mengistu coulent des jours paisibles, le premier au Sénégal, le second au Nigeria, le troisième au Zimbabwe. Ils dépensent l’argent qu’ils ont volé à leurs peuples.
Abdoulaye Wade, président d’un État où la démocratie est établie depuis près d’un demi-siècle, Olusegun Obasanjo, président en exercice de l’Union africaine, et Robert Mugabe, chantre d’un certain nationalisme africain, devraient se soucier davantage de ne pas apparaître comme les protecteurs de ces trois hommes, auteurs de crimes multiples contre leurs propres peuples.

Héritière d’une histoire mouvementée mais respectable, dotée d’un sous-sol exceptionnellement riche et entourée de trois grands ensembles mondiaux, qui sont autant de partenaires de choix désireux de l’aider – c’est leur intérêt, et ils le savent -, l’île-continent doit, au cours de ce nouveau siècle, et sans plus tarder, accrocher son wagon au train du progrès et de la modernité.
Qu’attend-elle ?
Qu’une nouvelle génération de dirigeants la débarrasse de ses maux, de ses handicaps – et de ses minables dictateurs.
Alors seulement, comme l’Asie d’aujourd’hui, elle sera sur la voie de la « renaissance ».

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