Les vertus d’Artémis

Une plante médicinale chinoise suscite de réels espoirs parmi les scientifiques.

Publié le 6 novembre 2005 Lecture : 2 minutes.

Le Coartem du laboratoire suisse Novartis est un composé de deux molécules, artéméther et luméfantrine, qui entre dans la catégorie des combinaisons thérapeutiques à base d’artémisinine (ACT) sur lesquels les experts fondent tant d’espoirs. C’est aujourd’hui l’un des médicaments antipaludéens les plus prometteurs, mais c’est aussi celui qui a provoqué la plus vive polémique.
Karen Barnes, professeur à l’université du Cap (Afrique du Sud), a raconté, début octobre, la Public Library of Science Medicine, dans quelles conditions le Coartem a été utilisé au KwaZulu-Natal, province sud-africaine où, en 2000, le paludisme avait battu ses records, avec 340 morts et 42 000 malades. La combinaison Coartem-DDT (insecticide écologiquement indésirable, employé avec précaution pour asperger les cases) a permis, en trois ans, de réduire de 96 % le taux de mortalité et de morbidité. Un district de la région a pu économiser sur un an 200 000 dollars en frais de dispensaires et d’hôpitaux, là où les malades auraient dû être soignés. L’efficacité du Coartem tient au fait qu’il nettoie complètement le sang du malade et élimine toute trace du parasite.
L’artémisinine qui entre dans la composition des ACT est tirée de l’agent actif de l’Artemisia annua, une plante qui pousse en Chine du Sud, et qu’on appelle là-bas quinghao. Le quinghao est utilisé par la médecine traditionnelle chinoise depuis 168 av. J.-C., mais c’est seulement vers 1970 que les autorités militaires chinoises y ont fait appel pour soigner les « volontaires » chinois participant à la guerre du Vietnam. Les premiers contacts ont été pris en 1990 entre les Chinois et Ciba-Geigy, l’une des sociétés qui formeront Novartis.
Le hic est que le quinghao met six mois à pousser et qu’il faut de deux à cinq mois pour en tirer l’extrait indispensable et fabriquer le médicament. Novartis a ainsi été victime de son succès. Il a pu fournir 100 000 doses en 2003 et 200 000 en 2004 à prix coûtant, mais s’est trouvé dans l’incapacité de livrer les 60 millions de doses que demandait l’OMS. Le groupe a cependant pris des mesures pour en fabriquer le double en 2006. Le quinghao (parent de l’armoise, ou artémise, « plante d’Artémis ») est désormais cultivé en Tanzanie et au Kenya. Reste que la fabrication du Coartem est toujours dépendante de 10 000 petits paysans chinois.
Ce n’est pas non plus un simple cachet d’aspirine. L’adulte doit prendre 16 comprimés en deux jours, et pousser à 24 dans les régions qui présentent des multirésistances. La rareté de la matière première et la complexité du traitement ne sont pas les seules difficultés : même à 2,40 dollars pour l’adulte, le Coartem est dix fois plus coûteux que des médicaments classiques. Et comme la quasi-totalité des consommateurs éventuels appartient aux pays en développement, même si Novartis ne fabrique pas cet antipaludéen par goût du profit, il doit y regarder à deux fois avant de se lancer dans des investissements de 10 millions à 15 millions de dollars par an.
Il faudra certainement mieux préciser la demande et bien répartir les rôles dans cette « lutte intégrée » que doit être la mobilisation contre le paludisme.

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