La France du ghetto

Publié le 6 novembre 2005 Lecture : 2 minutes.

Donc, les banlieues parisiennes flambent depuis quelques jours. Impression surréaliste. Je suis dans une grande capitale, ville de culture, de grande bourgeoisie, de monuments splendides. Et à quelques kilomètres de mon bureau, les nuits virent à la bataille rangée, entre « jeunes » semi-délinquants et forces de l’ordre. On brûle, on casse, on détruit… Clichy, Aulnay, Sevran, tous ces bleds perdus qui ne sont qu’à quelques minutes des Champs-Élysées pourraient être sur une autre planète… Au-delà du périphérique, c’est terra incognita, le monde des cités…

Les banlieues sombrent dans le chaos, et le ministre de l’Intérieur, Nicolas Sarkozy, tente désespérément de tenir le langage de l’ordre et de la sévérité. La méthode « grande gueule » s’est révélée désastreuse. Un événement dramatique, mais limité, la mort plus ou moins accidentelle de deux jeunes poursuivis par la police, s’est transformé en vague d’émeutes urbaines. « Sarko » a voulu faire trembler le caïd de banlieue, en brandissant la menace du « Karcher » et de la « tolérance zéro », mais les caïds, ils s’en foutent. Leurs vies n’ont ni avenir ni lendemain. Ils ont la haine, et ce ne sont pas les rodomontades d’un ministre médiatique qui vont les effrayer.
Il y a quelque chose de pathétique dans ce capharnaüm. On se bat à Clichy et le gouvernement sombre dans la cacophonie. Villepin contre Sarko, contre Azouz Begag, contre les députés UMP. Chirac est devenu muet. La gauche se déchaîne, mais que faisait-elle, cette gauche, dans les banlieues, quand elle gouvernait ? Les éditorialistes s’indignent, mais lequel d’entre eux, lequel d’entre nous, a mis un pied dans ces quartiers pourris où même la police hésite à entrer… ?

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Allez, vous dit-on, pour simplifier, c’est une histoire de « jeunes », et tout le problème, c’est de savoir s’il faut taper « fort » ou taper « soft ». Allez, vous dit-on, tout cela, c’est à cause des cellules islamistes qui manipulent des pauvres types violents et perdus… Quelle magnifique explication ! Bien sûr, il y a des voyous, des dealers, de la racaille, comme partout. Bien sûr, les islamistes radicaux prospèrent sur ce terreau. Mais on pourrait tous les mettre en taule que cela ne changerait pas grand-chose. Derrière l’émeute, il y a avant tout un scandale français, celui qui a permis à ces cités-misère de proliférer dans l’indifférence générale. Il y a l’histoire d’une double aliénation, l’aliénation raciale et l’aliénation économique, que la société française a tolérée. Il y a l’histoire d’un gosse à qui l’on dit en permanence : « Tu es né français, basané, noir, arabe, tu as le droit de rester dans ta cité, là ou tes parents sont venus et vont mourir, tu as le droit de t’intégrer uniquement si tu la boucles. N’oublie jamais, tu es un citoyen de seconde zone. »
Par pudeur, par manque de courage, nous appelons ces endroits au-delà du périphérique des « cités ». La vérité, c’est que ces cités sont devenues des « ghettos », des vrais, à l’américaine, des espaces enfermés en rupture totale avec le monde qui les entoure.

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