Finance islamique, mode d’emploi

Publié le 6 novembre 2005 Lecture : 2 minutes.

D’une manière générale, la charia prohibe tout investissement dans les boissons alcoolisées et la viande de porc, à l’image des « fonds éthiques » occidentaux qui proscrivent l’armement, le jeu, l’alcool et la pornographie. Plus spécifiquement, en matière de finance, la charia énonce trois interdits : le gharar (la « conditionnalité »), censé contrevenir à la volonté divine ; le maysir (la spéculation, le pari, telle la vente à découvert d’actions empruntées) ; et, surtout, le riba, qui recouvre non seulement l’usure, aussi réprouvée par la religion catholique, mais toute forme d’intérêts, donc l’endettement.
Selon le Coran, l’argent n’est qu’un instrument d’échange, dépourvu de valeur en soi. L’islam jette l’opprobre sur tout type de profit passif, réalisé sans travail ni prise de risque – version islamique de la dénonciation de « l’argent qui dort » -, mais ne condamne pas le gain en tant que tel. Bien au contraire, il prône le partage du profit et du risque, privilégiant l’actionnaire, qui apporte le capital, au détriment du banquier, qui ne fait que prêter. Paradoxal retour à l’esprit même du capitalisme, comparable au « capital-risque » ou au « Project Finance » !
Mais comment financer une économie moderne en respectant l’interdiction du riba ? Avec les contrats islamiques, qu’il s’agisse de la musharaka (partenariat) ou de l’ijara (location), les banques ne prélèvent pas d’intérêts, mais participent au profit et au risque de leur client, au même titre qu’un partenaire associé dans son capital. Avec l’ijara, le particulier qui emprunte pour acheter son logement verse un loyer et non un intérêt. Il ne deviendra formellement propriétaire que lorsque son prêt sera intégralement remboursé. Quant aux sukuks, les emprunts obligataires « islamiques » des États, ils comportent, comme toute obligation classique, un coupon, une échéance et un rendement, auxquels s’ajoute un contrat de leasing. Les investisseurs (prêteurs) ne perçoivent pas d’intérêts prédéfinis, mais le rendement du sous-jacent – en clair, des revenus tirés de la propriété, comme des loyers commerciaux ou des droits de péage. Les investisseurs qui ont souscrit, en janvier 2005, au Pakistan International Sukuk l’emprunt de 600 millions de dollars destiné à financer la construction de l’autoroute Lahore-Islamabad, ne toucheront pas d’intérêts, mais les revenus futurs des péages automobiles.
Pour valider ses produits, chaque banque islamique s’est dotée d’un conseil externe composé d’autorités religieuses incontestables, qui accorde ou non un certificat de compatibilité avec la charia. Mais il existe autant d’interprétations des sources religieuses que de conseils ! Celui d’Al-Dar Islamic Fund a rejeté un projet d’achat d’actions L’Oréal, alors qu’un autre l’aurait autorisé, sous réserve que les femmes se maquillent chez elles et non devant des étrangers. Et les Malaisiens se montreraient plus accommodants que les religieux du Golfe… En l’absence de toute réglementation commune, la Réserve fédérale américaine (FED) étudierait la mise en place d’un cadre légal pour la finance islamique.

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires