Awa Marie Coll-Seck

Secrétaire exécutif du partenariat public-privé « Faire reculer le paludisme » (Roll Back Malaria, RBM)

Publié le 6 novembre 2005 Lecture : 3 minutes.

Jeune Afrique/L’intelligent : Vous disiez, il y a quelques mois, que 2005 serait « une année charnière » dans le combat contre le paludisme. Vos espoirs ont-ils été déçus ?
Awa Marie Coll-Seck : Pas du tout. Les choses ont énormément bougé depuis un an. Le combat contre le paludisme, inscrit parmi les huit Objectifs du millénaire pour le développement, fait aujourd’hui l’objet d’une attention particulière de la communauté internationale. Le partenariat « Faire reculer le paludisme » [RBM, en anglais] compte beaucoup plus de partenaires : aux côtés de l’OMS, du Pnud, de l’Unicef et de la Banque mondiale, on trouve maintenant les pays endémiques, les donateurs bilatéraux, le Fonds mondial de lutte contre le sida et le paludisme, des organismes de recherche, des ONG ainsi que le secteur privé. Ce dernier joue un grand rôle pour le transfert de technologie de la fabrication des moustiquaires imprégnées et dans le développement de nouveaux médicaments. Les artistes se sont joints à la lutte sous la houlette de Youssou Ndour, et se sont mobilisés à l’occasion de concerts à Dakar et à Genève.
En réponse aux difficultés rencontrées par les pays endémiques pour accéder à des sources fiables de médicaments et aux moyens préventifs tels que les insecticides, les tests diagnostiques et les moustiquaires imprégnées d’insecticide, le Service des médicaments et moyens de lutte contre le paludisme a été créé au sein du secrétariat de RBM. Ce service coordonne, assiste, ou intervient directement dans trois grands domaines : informations sur les produits et les marchés, assistance technique aux pays et liaison avec l’industrie.

J.A.I. : En plus des moustiquaires, on dispose désormais de médicaments efficaces…
A.M.C.S. : L’une des raisons de l’accroissement possible de la mortalité, ces dernières années, avait été la résistance de plus en plus forte du Plasmodium falciparum aux médicaments classiques, à base de chloroquine. Les combinaisons thérapeutiques à base d’artémisinine (ACT) sont un grand progrès. Une cinquantaine de pays ont adopté ces traitements. Il y a encore quelques problèmes de coût et d’approvisionnement en médicaments auxquels les partenaires de RBM s’attellent à trouver des solutions.
Si les moustiquaires imprégnées sont un moyen privilégié de lutte antivectorielle, il ne faut pas oublier les pulvérisations d’insecticides, y compris le DDT, à l’intérieur des maisons, dans des situations bien précises comme en cas d’épidémie. La lutte contre le paludisme doit impérativement associer prévention et traitement et doit être intégrée dans toutes les politiques, toutes les stratégies et tous les programmes de santé et de développement des pays endémiques. On sait maintenant que pour obtenir de bons résultats, il faut avoir une approche globale.

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J.A.I. : Toutes ces armes sont-elles suffisamment utilisées au niveau local ?
A.M.C.S. : L’approche communautaire fait partie de la stratégie globale. Le nombre et la variété de nos partenaires et acteurs dans la lutte contre le paludisme nous permettent de toucher les gens dans leur vie quotidienne, là où ils habitent, là où ils travaillent, là où ils se rencontrent. Les mesures prises au plan national sont indispensables, mais ne suffisent pas.

J.A.I. : Et l’argent ?
A.M.C.S. : Il faudrait 3 milliards de dollars par an pour financer des activités de lutte antipaludéenne efficaces : 2 milliards pour l’Afrique et 1 milliard pour les autres zones d’endémie. Les ressources ont augmenté, ces dernières années, après la création en 2002 du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, mais des ressources supplémentaires doivent être trouvées d’urgence pour intensifier la lutte contre le paludisme. Des initiatives de financement ont été prises cette année par la Banque mondiale, la Maison Blanche ou la Fondation Gates. Les pays ont également fait des efforts en intégrant le paludisme dans les programmes de réduction de la pauvreté, en allouant plus souvent des moyens supplémentaires dans les budgets nationaux et en initiant des stratégies de mobilisation de ressources comme le Téléthon, organisé au Bénin. Certes, l’argent ne peut à lui seul résoudre le problème : les pays affectés et la communauté internationale devront faire preuve d’encore plus de détermination, et les acteurs concernés devront coordonner et harmoniser leurs actions autour des programmes nationaux de lutte contre le paludisme et sous le leadership des pays.

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