Alliance inattendue

Un grand laboratoire et une fondation préparent une petite révolution thérapeutique.

Publié le 6 novembre 2005 Lecture : 3 minutes.

« Notre motivation n’est pas de faire acheter ce produit à un million de personnes, mais de participer à l’amélioration de la santé publique. » C’est ainsi que Philippe Baetz, vice-président des Projets pour l’accès au médicament de Sanofi Aventis, justifie l’alliance d’un laboratoire pharmaceutique et d’une fondation unis main dans la main pour élaborer un médicament non breveté destiné à lutter contre le paludisme dans les pays en développement. Le laboratoire en question est le troisième groupe pharmaceutique mondial, Sanofi Aventis. La fondation, c’est DNDI (Drugs for Neglected Diseases Initiative), dirigée par le docteur Bernard Pécoul, ancien président de Médecins sans frontières (MSF).
Les deux entités travaillaient sur un projet similaire : associer dans une même formulation un dérivé d’artémisinine, l’artésunate, et l’amodiaquine, une molécule déjà utilisée dans les traitements antipaludéens. Les chercheurs oeuvrant pour la fondation, créée à l’initiative de MSF en 2003 et réunissant plusieurs institutions dont l’Institut Pasteur, le Kenyan Medical Research, l’Indian Council for Medical Research ou encore l’Organisation mondiale de la santé (OMS), ont rencontré des problèmes identiques. Les deux produits étant difficilement compatibles, les réunir dans un même comprimé constituait une gageure. « Nous y travaillions depuis 2002, explique Bernard Pécoul, avec des partenaires burkinabè, malaisien et français. En 2004, nous avons obtenu un produit que l’on savait stable, mais nous devions trouver un partenaire industriel. » Ce sera donc Sanofi Aventis. « Nous avons eu un bon écho, poursuit le Dr Pécoul, et ils ont accepté nos exigences de large distribution à bas prix et sans exclusivité. » Sanofi apporte donc ses compétences en matière d’enregistrement, de production, de distribution des médicaments.
Le Coarsucam – c’est son nom -, qui devrait être disponible au second semestre 2006, va provoquer une petite révolution. Une telle association artémisinine-amodiaquine est déjà recommandée comme traitement de première ligne par l’OMS. En 2004, elle a fait l’objet d’une campagne de sensibilisation de MSF. L’ONG utilisait d’ailleurs ces molécules dans ses propres programmes depuis 2001. Les pays africains, eux, étaient à la traîne : si certains avaient instauré cette combinaison, la réalité voulait que la majorité des accès palustres soit encore soignée par la chloroquine, peu chère, mais dénuée d’efficacité pour cause de résistance.
Deux autres traitements à base d’artémisinine existent déjà sur le marché : le Coartem, produit par Novartis (voir p. 61) et l’Arsucam, développé par Sanofi Aventis, présenté sous la forme de deux comprimés. Mais leur prix est plus élevé et leur posologie plus contraignante. Or, on le sait, la facilité d’administration favorise grandement l’observance. « Le premier avantage du Coarsucam, plaide le Dr Pécoul, est sa grande facilité d’utilisation et l’existence d’une formulation pour les petits enfants. » De fait, deux comprimés pour les adultes, et un, dissoluble, pour les enfants en une prise quotidienne, pendant trois jours, suffiront. Avec les autres, le total pouvait atteindre vingt-quatre comprimés.
Côté prix, Sanofi Aventis garantit une tarification « no profit-no loss » pour les services publics, les ONG et les institutions internationales. Soit moins de 1 dollar pour les adultes et même 0,5 dollar pour les enfants. Et, détail non négligeable, le Coarsucam ne sera pas breveté, ce qui permettra une production rapide de génériques, une fois que les producteurs potentiels auront fait preuve d’une bioéquivalence. Parmi les 400 millions d’accès palustres annuels, seuls 10 millions à 15 millions sont aujourd’hui traités avec un médicament dérivé d’artémisinine. Des chiffres qui devraient progressivement augmenter jusqu’à atteindre 150 millions en 2007.
L’offre thérapeutique n’est pas la seule condition à remplir pour y parvenir. La volonté des populations, qui devront modifier leurs habitudes de soin, est essentielle. Pour cela, une lutte intégrée doit être élaborée, avec une information dès le plus jeune âge. « Ce changement est difficile, reconnaît le Dr Pécoul. Les gens devront être bien informés afin de réclamer eux-mêmes ce médicament. » Selon Philippe Baetz, « cela en vaut la peine, car dans ce cas précis, nous pourrons constater très vite des résultats. »

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