Panser le Liberia, une ampoule après l’autre

Publié le 6 août 2006 Lecture : 2 minutes.

Il était une fois une ville considérée comme le joyau de l’Afrique de l’Ouest. C’était il y a à peine trente ans. Aujourd’hui, seuls ses plus vieux habitants se remémorent la splendeur passée de Monrovia. Pour les autres, les souvenirs de la capitale se résument aux atrocités de la guerre. La présidente libérienne, Ellen Johnson-Sirleaf, connaît les défis auxquels son pays est confronté. Mais pour célébrer le 159e anniversaire de la naissance de la république, le 26 juillet, elle a déclaré vouloir « éclairer » Monrovia.

À la différence de nombre de chefs d’État africains – en d’autres temps, en d’autres lieux – qui ont gaspillé l’argent public pour « éclairer » leurs peuples et illuminer leurs fêtes nationales, elle n’a employé l’expression qu’au pied de la lettre. Il lui faut apporter l’électricité à ses concitoyens. Ainsi que tant d’autres infrastructures de base.
Harvey Gilbert était plombier au temps où l’eau coulait encore dans les robinets de la ville. Il est devenu chauffeur depuis et se désole : « Nos enfants n’ont jamais vu d’eau sortir du robinet. Les adolescents n’ont jamais vu les rues éclairées. Ellen fait ce qu’il faut faire ! »
La tâche n’est pas facile. Un lampadaire sur trois est branlant, les ampoules ont été dérobées il y a bien longtemps. Les poteaux électriques jonchent le bord des routes, les fils sont coupés ou envolés. Les téléphones dans les hôtels ne servent qu’à joindre le room service. Pour appeler à l’extérieur, mieux vaut posséder un portable. Les gens errent sans travail, le plus gros employeur de la ville étant la communauté internationale.
Aucun pays ne mérite une telle situation, mais, dans le cas du Liberia, la misère est encore plus insupportable. Épargnée par le joug colonial, la première république du continent regorge de ressources qui auraient dû lui donner l’éclat d’un diamant.

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Dans Voyage sans cartes, Graham Greene, qui parcourait le pays en 1935, décrit des Libériens accueillants et gentils, qui n’ont de leçon de civisme à recevoir de personne et pourraient bien au contraire en donner à ses compatriotes britanniques. Mais pendant vingt ans, Samuel Doe puis Charles Taylor ont fait régner la terreur et transformé le pays.
Doe est mort, le Front uni révolutionnaire (RUF) a été défait et son chef, Taylor, croupit à La Haye, où il devra bientôt se défendre de crimes de guerre. Mais ceux qui paient véritablement le prix de la guerre sont tous les autres Libériens, qui tentent de se reconstruire.
Bien que vaincu, le Liberia de l’effroi et du danger n’est jamais loin. Alors qu’Ellen Johnson-Sirleaf mettait le doigt sur l’interrupteur pour éclairer Monrovia le 26 juillet, le palais présidentiel, où elle devait quelques heures plus tard rencontrer les présidents ghanéen, sierra-léonais et ivoirien, prenait subitement feu.
Ce pays a besoin d’une aide durable de la communauté internationale, afin que les lampadaires qui s’allument un à un continuent de l’éclairer. Ce sont de petits rêves, pas une grande vision pour que le Liberia passe définitivement de l’ombre à la lumière.

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