De guerre lasse

Publié le 6 août 2006 Lecture : 3 minutes.

Le gouvernement de Luanda et le Forum cabindais pour le dialogue (FCD) ont signé le 1er août à Namibe, dans le sud de l’Angola, un « mémorandum d’entente pour la paix et la réconciliation nationale » censé mettre fin à une guerre de sécession qui dure depuis près de trente ans. Le texte amnistie l’ensemble des combattants cabindais et garantit leur intégration dans les institutions du pays. Il prévoit aussi d’accorder à l’enclave un « statut spécial » dont les contours restent flous mais qui ressemble à une décentralisation. Le 18 juillet, à Brazzaville, les deux parties avaient conclu un accord de cessez-le-feu sous les auspices des autorités congolaises.
Mais le mémorandum paraphé à Namibe ne fait pas l’unanimité des Cabindais. Motif : António Bento Bembe, le président du FCD, par ailleurs secrétaire général du Front de libération de l’enclave de Cabinda-Forces armées de Cabinda (FLEC-FAC), n’avait reçu de son mouvement aucun mandat. « Le FCD est une commission qui a été mise en place au moment de la réunification des mouvements cabindais, explique Henriques Nzita Tiago, le président du FLEC, qui vit en exil en France. Il était chargé de prendre contact avec les autorités angolaises en vue de l’ouverture de négociations. Bembe devait faire un rapport au FLEC, lequel devait à son tour désigner des négociateurs. Nous avons été écartés du processus. C’est du bricolage, pour ne pas dire une conspiration. »
Même discours du côté de Mpalabanda, une association de défense des droits de l’homme. « Nous désapprouvons cet accord, affirme son président, Agostinho Chicaia. C’est une manipulation. Le FCD n’était qu’un espace de concertation entre mouvements politico-militaires et société civile, en vue d’étudier diverses stratégies de négociation. Le statut spécial qu’on nous promet ne sera qu’une simple décentralisation. »
Bref, Bembe est accusé par les siens de trahison : il n’aurait fait que renvoyer l’ascenseur au gouvernement angolais. Arrêté en 2005, au Pays-Bas, à la suite d’un mandat lancé contre lui par le FBI pour l’enlèvement d’un citoyen américain au Cabinda, il aurait échappé à l’extradition grâce à une intervention de Luanda auprès de Washington. Dès novembre 2005, il a entrepris de négocier secrètement avec les Angolais – notamment George Chicoty, le vice-ministre des Relations extérieures, et le général Fernando Miala, à l’époque patron des services secrets – court-circuitant ainsi ses amis du FLEC.
L’accord du 1er août, qui stipule que le Cabinda reste une province angolaise et exclut toute idée d’autonomie ou d’indépendance, est surtout la conséquence du manque d’unité dans le camp cabindais. Selon un responsable à Luanda, « le gouvernement n’ayant jamais eu d’interlocuteur crédible en face de lui, il n’y a rien à craindre de ce côté-là. Quand ils sont en difficulté, certains responsables du FLEC bénéficient de nos largesses, alors »
Les Cabindais semblent aujourd’hui résignés. Tout en regrettant que Luanda mette en avant le respect de la Constitution pour ne pas répondre à leurs aspirations, Chicaia n’exclut pas une « cohabitation ». « Mais en tant que peuple, précise-t-il. Or les Angolais veulent diluer notre identité. »
Ni l’indépendance ni l’autonomie ne sont plus une priorité pour certains Cabindais, qui admettent la supériorité militaire de l’Angola et savent que la géopolitique régionale ne joue pas en leur faveur. Auteur du livre Cabinda, un Koweït africain. Drame sur un baril de brut (éditions L’Harmattan), Alban Monday Kouango est convaincu, en dépit de certaines réticences quant à la manière, que « ce qui vient d’être fait est un pas en avant à condition que les Angolais soient sincères ». Si l’accord permet « la mise en place d’une organisation sociale et d’un cadre de vie viable, pourquoi pas ? estime-t-il. Face à nos divisions, il ne nous reste plus qu’à nous battre politiquement pour le respect de notre dignité. »
Avec 10 000 km2 et une population estimée à 300 000 habitants, le Cabinda, coincé entre les deux Congos (Brazzaville et Kinshasa), fournit 70 % du pétrole exporté par l’Angola.

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