Wolfowitz passe aux aveux

Publié le 6 mai 2007 Lecture : 3 minutes.

L’étau se resserre sur Paul Wolfowitz. Au cours de la semaine du 30 avril au 4 mai, un « jury spécial » chargé d’examiner sa conduite à la tête de la Banque mondiale a auditionné tous les protagonistes du scandale dit du « Shahagate » (voir J.A. nos 2415 et 2416). Composé de sept administrateurs de la Banque, ledit jury a remis, le 4 mai, son verdict au conseil d’administration, qui statuera dans les prochains jours. Compte tenu de la gravité des accusations portées contre lui, de la mobilisation des personnels de la Banque (la majorité arbore un brassard bleu réclamant sa démission) et du renforcement du camp des pays hostiles à son maintien en poste (France, Allemagne, Pays-Bas, pays scandinaves et latino-américains, rejoints depuis peu par le Royaume-Uni), on voit mal comment le protégé de George W. Bush pourrait s’en sortir.
Le 2 mai, il s’est rendu à Bruxelles pour participer à une rencontre internationale sur l’éducation. Fuyant journalistes et photographes, il a été contraint de gagner la salle de conférences en passant par le parking ! Peine perdue : à l’issue de la réunion, toutes les questions qui lui ont été posées portaient sur le salaire exorbitant versé à sa compagne.
Outre Wolfowitz et Riza, les membres du jury ont interrogé Xavier Coll, vice-président chargé des ressources humaines, et plusieurs hauts responsables qui ont quitté la Banque après l’arrivée du nouveau président, en 2005 : Ad Melkert, président du comité d’éthique (et ancien ministre des Pays-Bas), Robert Dañino, vice-président chargé des affaires juridiques (et ancien Premier ministre du Pérou), et le Chinois Shengman Zhang, directeur général (et ancien administrateur).
Accompagnés de leurs avocats respectifs, une nouveauté dans l’institution, « Wolfie » et Shaha ont tenté de contre-attaquer en dénonçant un double complot. Le premier estime qu’il est victime d’une opération montée de toutes pièces par les adversaires de la guerre en Irak, qui ne lui pardonnent pas d’en avoir été l’un des maîtres d’uvre et veulent aujourd’hui court-circuiter sa campagne contre la corruption et la bureaucratie au sein de la Banque. Oubliant que, le 11 avril, il avait présenté des excuses pour s’être personnellement occupé du salaire de Riza, il a, le 30, accusé les membres du comité d’éthique et du conseil d’administration de ne pas s’être préoccupés à temps des détails du contrat de la dame.
Cette dernière a pour sa part accusé ses anciens chefs de service de lui avoir nui dans sa carrière : « Parce j’étais une femme, une Arabe et une musulmane, je n’ai pas eu la promotion que je méritais », estime-t-elle. Son compagnon s’est donc empressé de réparer cette injustice. Très vite, Riza a bénéficié d’une promotion et d’une revalorisation salariale de 35,6 % portant le montant de sa rémunération à 180 000 dollars par an. En outre, une augmentation de 8 % par an lui a été garantie pendant son détachement au département d’État américain, avec réintégration assurée à la fin du mandat de Wolfowitz et promesse d’une nouvelle promotion. Concocté dans le plus grand secret, cet arrangement est-il normal ?
Non, a estimé Melkert, « le président est allé bien au-delà des recommandations du comité d’éthique ». En outre, « contrairement à ce qu’il a prétendu, il ne m’a jamais informé de la teneur du nouveau contrat de Shaha Riza ». Idem pour Dañino : « Bien qu’étant responsable juridique de la Banque, j’ai été écarté de la négociation du contrat, raconte-t-il. Contrairement à ses déclarations, Wolfowitz ne s’est jamais récusé dans le dossier de Shaha Riza, avec laquelle il a exigé de maintenir des contacts professionnels. C’est même pour cette raison que j’ai démissionné » (en janvier 2006). Bref, le président et sa compagne n’ont pas cessé de mentir – ou de tricher – depuis l’ouverture de la procédure d’enquête, le 6 avril.
Face à ces témoignages accablants, Wolfowitz a été obligé, le 3 mai, de reconnaître par écrit qu’il n’avait pas informé les membres du comité d’éthique et du conseil d’administration. Ce qui signifie que les accusations de népotisme portées contre lui ne sont pas infondées.

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