Le transfuge avait deux épouses

Publié le 6 mai 2007 Lecture : 2 minutes.

Après trois mois de confusion, on en sait désormais un peu plus sur les conditions de la disparition, début février à Istanbul, du général iranien Ali Reza Ashgari (46 ans). Certaines informations avaient évoqué une défection organisée par les services américains et israéliens. Le fait que la femme et les enfants du général se soient volatilisés en même temps que lui semblait conforter cette thèse.
À Téhéran, la police avançait une tout autre explication : l’ancien commandant des Pasdarans, puis vice-ministre de la Défense au temps du président Mohamed Khatami, aurait été kidnappé. D’ailleurs, sa famille – à commencer par son épouse – ne tarda pas à se rendre à Istanbul pour exiger des autorités turques qu’elles accélèrent les recherches. Comment ladite famille pouvait-elle, en même temps, avoir disparu et se démener pour retrouver la victime ?
Un article du Financial Times (27 avril) a permis de dissiper le mystère : le général avait deux épouses. En « choisissant la liberté », il a laissé au pays l’« ancienne » et s’est envolé avec la « nouvelle ». Ce qui accrédite fortement la thèse de la défection, très probablement diligentée par un joint-venture CIA-Mossad. Depuis, les langues se délient à Téhéran, et l’on commence à entrevoir les vraies motivations d’Ashgari. Entre 2003 et 2005, il avait été accusé d’espionnage et de corruption et avait passé dix-huit mois en prison. Par la suite, raconte un ancien responsable, « il avait été lavé de tout soupçon, mais, psychologiquement, il était profondément perturbé ». Un de ses amis précise que c’est grâce à l’« intervention appuyée » d’Ali Shamkhani, le ministre de la Défense, qu’il avait été libéré. Un autre dirigeant iranien, qui l’avait rencontré juste avant sa disparition, confirme qu’il avait « gardé de son incarcération ressentiment et rancune ».
Ceux qui connaissent le général Ashgari minimisent son importance potentielle pour ses « hôtes ». Il fut, certes, un remarquable commandant des Gardiens de la Révolution, mais il n’était plus dans le coup depuis son recyclage dans le commerce de l’huile d’olive, il y a six ans. Pourtant, quelle que soit la valeur des services qu’il est susceptible de rendre à l’ennemi, les Iraniens prennent au sérieux sa défection. Après sa disparition, un ancien agent du FBI, Robert Levinson, s’est mystérieusement évanoui en Iran. il pour il ? Pas seulement : sans doute s’agit-il aussi d’une prise de gage en vue d’un troc des plus classiques dans le monde de l’espionnage : Ali Reza Ashgari contre Robert Levinson.
Aux dernières nouvelles, Condoleezza Rice, la secrétaire d’État américaine, avait, paraît-il, l’intention d’évoquer l’affaire Levinson avec son homologue iranien lors de la conférence de Charm el-Cheikh sur l’Irak, qui a commencé le 3 mai.

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