Calicots, mégaphones et diplomatie

Publié le 6 mai 2007 Lecture : 2 minutes.

Après la présidentielle de novembre 2005, les municipales d’avril 2006 couronnant la décentralisation intégrale lancée treize ans plus tôt, les législatives du 6 mai dernier bouclent un processus dont le Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP, au pouvoir) a fait mieux que tirer son épingle du jeu : il a gagné. Trop largement et trop facilement peut-être au goût de certains qui oublient parfois que si la compétition est régulière, ses résultats, quels qu’ils soient, ne traduisent rien de proprement scandaleux. De fait, les protestations de quelques longs couteaux de l’opposition furent plutôt timides, la population, hier encore prompte à battre le pavé, manifestant des signes de lassitude. Elle porte son regard ailleurs, sur sa capitale qui se transforme chaque jour un peu plus, s’étend et s’embellit. Elle s’offusque de la splendeur un tantinet kitsch de certaines demeures de Ouaga 2000 et se perd en conjectures sur l’origine de la fortune de leurs propriétaires.
Elle ne trouve pas de mots assez durs pour fustiger ceux, véritables séides ou simples partisans du régime, qu’elle classe dans la caste des nouveaux riches qui n’ont pourtant hérité d’aucune vieille tante. Et, frustrée, crie parfois toute sa mauvaise humeur et son impatience. Ainsi de la cascade de mobilisations, notamment en mai et décembre 2006, des syndicats contre la cherté de la vie, pour une augmentation de 25 % des salaires des fonctionnaires et la baisse du prix, entre autres, de l’électricité et de l’eau. Cette piqûre de rappel au gouvernement n’a pas obtenu tous les effets escomptés, mais elle a permis une baisse du coût des hydrocarbures, une augmentation du salaire minimum et une revalorisation pour toutes les catégories salariales.

Le tout sans casse, mais seulement avec mégaphones, banderoles et autres calicots de circonstance pour des revendications corporatistes qui n’en traduisaient pas moins un certain malaise. Lequel a pris une forme plus violente dans l’affrontement qui, près de soixante-douze heures durant, a opposé en décembre dernier militaires et policiers armés et n’hésitant pas à faire le coup de feu. Plus inhabituelle et, du coup, plus inquiétante qu’une descente syndicale dans les rues, l’effervescence, qui a gagné les casernes et provoqué le report des sommets de la l’UEMOA et de la CEDEAO que Ouagadougou devait alors abriter, a fait désordre.
Mais la crainte qu’elle a suscitée de voir l’image du pays durablement écornée s’est vite estompée. À la fin de sa présidence du Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine, accueillant dans sa bonne capitale ses homologues sud-africain Thabo Mbeki et ivoirien Laurent Gbagbo, le chef de l’État burkinabè, Blaise Compaoré, a arboré, dans la foulée, sa double casquette de « patron » de l’UEMOA et de la CEDEAO. Et pris son bâton de faiseur de paix, hier au Togo, aujourd’hui en Côte d’Ivoire, demain ailleurs dans la sous-région. Non sans promesses de succès à Abidjan et à Lomé où la réconciliation nationale commence à prendre corps, alors que lui-même, dans un passé récent, n’y avait pas bonne presse – loin s’en faut.
Sans doute ses compatriotes applaudiraient-ils ce Compaoré-là, ce capitaine rendu à la vie civile et devenu moins martial, moins controversé et plus politique, pour peu qu’il ne mette pas entre parenthèses leurs difficultés pour s’occuper davantage de celles des autres.

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