Ceux qu’on ramasse à la sortie du métro

Publié le 6 mars 2005 Lecture : 2 minutes.

Lancés en 2002 à Paris en dépit de l’opposition – musclée – des syndicats, ces pionniers de la presse gratuite sont en effervescence. Bien qu’ils soient nés pour l’un en Norvège et, pour l’autre, en Suède, leur vitalité brouillonne contraste avec la morosité de leurs confrères. Ils ont presque doublé le nombre de leurs journalistes (désormais plus de 50 dans les rédactions de 20 Minutes) et annoncent des audiences de nature à tailler des croupières aux grands anciens : 745 000 exemplaires pour 20 Minutes qui dessert désormais la plupart des grandes villes du territoire national, 580 000 pour Metro, « qui s’arrachent en moins de deux heures ».
Sauf qu’on ne peut comparer que ce qui est comparable : malgré leur insistance, les « gratuits » ne bénéficient pas encore de l’étude d’audience de référence des quotidiens nationaux, l’EuroPQN. Cet organisme refuse en effet de comptabiliser de la même manière l’achat d’un journal en kiosque et le « ramassage », à la sortie du métro, d’un ou plusieurs exemplaires distribués comme des tracts. Idem quant à leur contenu : ces « vrais-faux » journaux (on parle aussi de « journaux jetables », ou de presse au rabais…) n’ont pas encore gagné leur statut de quotidien à part entière. Ce sont les annonceurs qui sont aux leviers de commande, ainsi qu’on l’a constaté lors du dernier tsunami asiatique : comme leur parution était suspendue pendant les vacances de fin d’année pour cause de faibles recettes publicitaires, les « gratuits », pourtant qualifiés de « quotidiens », ont spectaculairement failli au « devoir d’informer » ! En outre, Metro n’emploie pas plus de 25 journalistes titulaires (ils sont presque 15 fois plus nombreux au Monde…), condamnés à tout faire en même temps, de l’économie aux faits divers, en passant par les critiques de films et même les photos.
D’où la jeunesse des équipes rédactionnelles (30 ans de moyenne d’âge). Cette jeunesse se retrouve dans le lectorat, composé pour plus de la moitié d’« actifs-urbains » de moins de 34 ans qui remportent les faveurs des publicitaires et font si cruellement défaut à la presse payante. Même si Pierre-Jean Bozo, le patron de 20 Minutes, affirme que, pour les deux tiers d’entre eux, ses lecteurs n’achetaient pas de journaux auparavant, on doit craindre que leur potentiel de lecture, déjà faible à l’origine, soit totalement saturé par ces nouveaux produits qui leur épargnent d’avoir à s’approcher des kiosques.
Pour l’heure, le malheur des uns ne fait pas encore la fortune des autres : les « gratuits » ont causé davantage de dommages à leur environnement professionnel qu’ils n’ont eux-mêmes engrangé de profits. TF1, qui vient d’entrer au capital de Metro, compte sur l’aide apportée par la chaîne dans l’élargissement du marché publicitaire du titre pour achever d’éponger des pertes résiduelles de plusieurs millions d’euros. Dans le cas de 20 Minutes (détenu pour moitié par le quotidien régional – payant – Ouest-France), le « trou » est encore plus profond (une dizaine de millions d’euros de pertes en 2004), même si le doublement annuel du chiffre d’affaires autorise l’optimisme. D’autant que le troisième quotidien national gratuit, souvent annoncé par Hachette et la Socpresse pour allumer un contre-feu devant l’avancée de leurs concurrents, ne s’est pas encore concrétisé.

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