Saddam, le rasoir à main et le chausse-pied

Publié le 6 février 2005 Lecture : 2 minutes.

Parti en Irak au milieu des années 1970 pour enseigner à l’Académie des arts de Bagdad, le réalisateur égyptien Tawfiq Saleh a dû, pour relancer sa carrière de réalisateur dans le pays d’accueil, faire un film sur la vie de l’ex-dictateur. Après avoir achevé le film en question, le réalisateur a dû le montrer à l’intéressé avant de procéder à sa diffusion publique. Tawfiq Saleh a rapporté la scène à Ali Salem, qui l’a racontée à son tour dans un article publié en janvier 2004 par le quotidien Al-Hayat, dont voici un extrait…
« La représentation avait lieu dans une petite salle. Saddam était assis, entouré de ses amis. Quand le film a commencé, ils se sont tous mis à pleurer avec émotion. À la fin de la projection, chacun a fini la boîte de mouchoirs qui se trouvait devant lui. Saddam n’a fait d’objections que sur une scène : celle où apparaît son visage au moment où on lui retire une balle de la jambe. L’acteur jouant son rôle faisait une grimace de douleur. Saddam a dit :  »Cela ne s’est pas passé comme cela, Tawfiq. Il y a eu de la douleur, c’est vrai, mais personne n’a pu le lire sur mon visage. Et il y a autre chose, Tawfiq : je n’ai pas retiré la balle avec un rasoir à main, mais avec un chausse-pied. »
Commentaire d’Ali Salem : « L’histoire de cette balle est connue. Saddam a participé à une tentative manquée d’assassinat contre Abdelkarim Qassem, ancien Premier ministre de l’Irak, et une balle l’a atteint à la jambe. Il s’est réfugié dans le village d’Al-Dour, s’est caché chez un membre de sa famille et lui a demandé un rasoir à main pour retirer la balle de sa jambe. Ce qu’il a fait sans anesthésie. C’est ce que Saddam a raconté à son biographe, feu Amir Iskandar, et c’est également ce qu’il avait raconté à Tawfiq Saleh, lors des réunions précédant l’écriture du scénario. D’où sortait donc cette histoire de chausse-pied ? On peut raisonnablement penser qu’il n’y a eu ni balle, ni rasoir à main, ni chausse-pied. Saddam était un grand mensonge farci de petits mensonges. On peut raconter à chacun une histoire différente, mais quand on les fait tous asseoir devant l’écran, le mensonge est dévoilé. En voyant la scène jouée, Saddam s’est immédiatement aperçu de son manque de crédibilité. On n’utilise de rasoir que quand le héros a été piqué par un serpent. On entaille alors la chair avant de sucer le sang pour extraire le venin (et l’idéal est que ce soit l’héroïne qui se charge de la tâche). Voilà ce que Saddam a compris en regardant la scène. Pour sauver la situation, il a sorti l’histoire du chausse-pied de son imagination. Un chausse-pied aurait peut-être pu retirer une balle d’un plateau de gâteaux aux dattes, mais pas d’une jambe ! »

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