Le pétrole menace-t-il São Tomé e Príncipe ?

Publié le 6 février 2005 Lecture : 2 minutes.

Dans un des campements délabrés d’Agua Ize, les habitants se regroupent sous un toit vermoulu pour se protéger de la pluie. Au-dessus de leurs têtes, une vieille affiche électorale vante un monde formidable et anticipe le boom pétrolier que São Tomé e Príncipe devrait connaître d’un moment à l’autre. « C’est maintenant ! » proclame la propagande du Parti d’opposition pour la convergence démocratique, en réclamant « un meilleur partage des ressources ». Domingas da Costa Frota Pereira, au chômage, avec trois enfants à charge, s’esclaffe : « Ils vont tout garder pour eux ! »
Un tel pessimisme contraste avec l’avenir radieux qui, selon la communauté internationale, attend ce nouvel État pétrolier : sa première licence d’exploration en eaux profondes devrait prochainement lui rapporter plus de 50 millions de dollars, soit presque quatre fois le montant des recettes fiscales prévues par le gouvernement pour 2004. Beaucoup pensent que l’archipel de São Tomé (150 000 habitants) a des chances d’échapper au « paradoxe d’abondance » qui veut que la plupart des pays pétroliers africains deviennent les plus pauvres et les moins bien gouvernés de la planète. […]

Mais l’Occident préfère garder espoir en raison de la position stratégique de Sao Tomé. Les pays voisins totalisent 15 % des importations américaines de pétrole brut, un chiffre qui pourrait grimper à 25 % d’ici à 2020. De leur côté, les militants anticorruption se déclarent optimistes en raison de la composition sociale de l’archipel. Faiblement peuplé, il ne connaît pas les tensions ethniques ou religieuses que d’autres dirigeants ont su exploiter afin de diviser pour mieux régner. Le gouvernement a d’ores et déjà mis en place un arsenal législatif et des institutions spécifiques au secteur pétrolier, dont un comité de surveillance qui doit s’assurer que le gouvernement consacrera la majorité des revenus pétroliers au développement et à l’éducation.

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Pourtant, les craintes ne sont pas écartées. Il est de notoriété publique qu’en 2002 une compagnie nigériane a racheté une concession au président Fradique de Menezes, pour la modique somme de 100 000 dollars. Et, dans une des boîtes de nuit de la capitale, un homme désireux de se faire élire au Parlement aurait lancé qu’entrer en politique « est la seule manière de survivre ». Car cela permet d’accéder aux contrats lucratifs qui restent peu nombreux dans le pays.
Dans les campements d’Agua Ize, les habitants ont beau faire, ils ne perçoivent aucune retombée des soi-disant actions engagées par le gouvernement en leur faveur, les derniers projets immobiliers réalisés ayant été le fait de la Coopération française. Et restent sceptiques quant à l’opulence promise. « C’est bien d’avoir du pétrole, estime Domingas Pereira. Mais on n’en profitera pas. »

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