Qui sont les clandestins subsahariens ?

Une étude parue en décembre brosse à grands traits le portrait type, le parcours et la situation des sans-papiers venus du Sud.

Publié le 6 janvier 2008 Lecture : 3 minutes.

Ce sont surtout des hommes célibataires, âgés de 15 à 47 ans, tous originaires d’Afrique subsaharienne. Parce qu’ils n’y gagnaient pas assez d’argent pour subvenir à leurs besoins, plus rarement parce qu’ils nourrissaient le projet de faire des études à l’étranger ou de rejoindre un proche, ils ont quitté leur pays seuls, souvent à pied. Au Maroc, ils sont tous dans la clandestinité et survivent grâce à des petits boulots : employés pour l’essentiel, manutentionnaires, ouvriers, artisans pour les autres. Certains sont là depuis plus de vingt ans. Depuis un an et demi pour la plupart.
Cette esquisse de la population d’immigrés clandestins subsahariens au Maroc est le résultat d’une enquête de l’Association marocaine d’études et de recherches sur les migrations (Amerm), publiée en décembre. Un millier de Subsahariens vivant en situation irrégulière à Rabat, Casablanca, Oujda, Tanger ou Laayoune ont été interrogés. « D’où venez-vous ? Pourquoi êtes-vous venu au Maroc ? Comment ? À quel prix ? De quoi vivez-vous ? » Les réponses à ces questions – difficilement obtenues car les intéressés essaient « de se rendre le moins visibles possible », soulignent les auteurs – dessinent à grands traits le parcours et la situation d’une population méconnue, souvent victime de racisme, marginalisée et qui, pour l’essentiel (72 %), espère n’être que de passage au Maroc.
Reflet de l’importance démographique du Nigeria (140 millions d’habitants, le pays le plus peuplé d’Afrique), sa population est la plus représentée : 15,7 %. Devant les Maliens (13,1 %), les Sénégalais (12,8 %) et les Ivoiriens (9,2 %). Ferment la marche les Congolais de la RD Congo (6 %) et les Gambiens (4,9 %).

Périple douloureux
Si 50 % des migrants interrogés déclarent qu’ils exerçaient une activité économique avant de partir, la grande majorité d’entre eux (85 %) expliquent leur départ par le manque d’argent et l’absence de perspectives dans leur pays d’origine. Le plus souvent en dépit d’un passage sur les bancs de l’école : 32,4 % ont suivi des études secondaires et 16,1 % des études supérieures. Plus d’un tiers (37 %) justifient leur exil par l’insécurité régnant dans leur pays d’origine.
La grande majorité (80 %) sont arrivés au Maroc par voie terrestre, par la frontière algérienne principalement (73,5 %). Un cinquième des migrants ont dû traverser au moins quatre pays avant d’atteindre le royaume. Dans la plupart des cas, le voyage est un périple douloureux et angoissant : 80 % ont souffert de la soif et de la faim, 50 % ont été arrêtés ou traqués par la police, 40 % ont été victimes de vols et d’agressions, 36,5 % disent avoir été choqués par la vision de cadavres humains dans le désert.

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Mendicité et petits boulots
Quitter son pays a aussi un coût : plus de la moitié des exilés (52 %) ont déboursé entre 1 000 et 2 000 euros pour financer leur voyage. Dans la plupart des cas (87 %), il a fallu faire appel à un passeur, dont les tarifs varient entre 50 et 2 000 euros. L’épargne personnelle est la source de financement la plus fréquente : 65 % des migrants y ont eu recours. Elle n’exclut toutefois pas le soutien familial, dont 71 % disent avoir bénéficié.
Au Maroc, 20 % des migrants interrogés vivent de la mendicité. Seuls 2,3 % déclarent avoir un travail régulier. Les autres tiennent de petits commerces (20 %), exercent des travaux domestiques (20 %) ou travaillent dans l’artisanat (16 %). Plus du tiers d’entre eux (42 %) subsistent avec moins de 1 000 DH par mois (environ 90 euros) et dorment dans des chambres collectives (62,7 %). En raison de leur précarité économique, de leur « inutilité » sociale et de la couleur de leur peau, plus du quart (27,3 %) s’estiment discriminés par les Marocains. Près d’un tiers vont jusqu’à penser que ces derniers ont peur d’eux. Ce qui n’empêche pas une bonne partie de ces mêmes migrants (43 %) de trouver les Marocains agréables et accueillants, et pour 24 %, solidaires.

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