Fin d’année à Marrakech
Il y a d’abord la magie du lieu, cette ville ocre qui s’étend entre les murailles érigées par l’Histoire et les océans de palmiers. Cette ville unique, lumineuse, cette cité posée au pied de l’impressionnant massif de l’Atlas, avec ses pics qui se découpent sur l’horizon, couvert de cette neige africaine si rare.
Il y a Marrakech, secrète, fermée sur elle-même, à l’abri des murs de la Médina, derrière la presque trop célèbre place Jemaa el-Fna. Un monde à part, où l’on accède par étapes, ruelle après ruelle. Un voyage dans le temps, dans un autre temps, parfois moyenâgeux, où se mêlent traditions, pauvreté, désespérance et fierté. Il y a la Marrakech mystique, celle des confréries, des musiciens gnaouas, celle des djinns et des anges, celle des diseurs de bonne aventure. La Marrakech religieuse, celle de la Koutoubia, mosquée du XIIe siècle, à la simplicité évidente, que l’on voit de loin dans la plaine.
Il y a la Marrakech « aristo », celle qui attira à la fin des années 1970 une élite discrète, opulente, aristocratique, soucieuse d’authenticité. La Marrakech de riads anciens et ombragés, reconstruits par les rich and famous du monde entier. La Marrakech des Français, de Majorelle, d’Yves Saint Laurent, de Pierre Bergé. Et celle des pionniers marocains du tourisme. La Marrakech du roi et de la famille royale, avec ses palais et ses demeures imposantes, collés, comme c’est souvent le cas au Maroc, à des quartiers populaires ou à des douars en état de survie.
Il y a la nouvelle Marrakech, destination à la mode, paradis des jet-setteurs du monde entier, playground des Casablancais nantis, avec ses restaurants « comme à Paris », ses boîtes débridées, les nuits interminables où l’on boit du champagne au goulot, l’argent facile, les filles, la drogue aussi, les belles voitures, les très belles voitures. Cette nouvelle Marrakech où les cinq étoiles poussent dans la plaine aride, les Four Seasons, les Banyan Tree, les Park Hyatt, les Mandarin oriental Cette Marrakech de la Mamounia bientôt reconstruite, avec ses suites et ses villas d’hôtes facturées à des prix royaux. La Marrakech des promoteurs immobiliers, où les paysans font quasiment fortune en vendant la terre et où les citadins, repoussés par les loyers de plus en plus chers, n’arrivent plus à se loger.
Il y a cette Marrakech étrange, irritante, confuse, mais où l’on sent aussi une forme de progrès en marche, avec ses commerces, ses artisans, ses designers, ses banques, ses routes et autoroutes. Où la pauvreté recule, les infrastructures augmentent. Où la richesse la plus incroyable côtoie la misère la plus crasse. Peut-être que, au fond, les contradictions explosent parce que la ville change justement, sort de l’immobilisme, s’enrichit. La voici donc cette cité séduisante, ambitieuse, dynamique, orgueilleuse, ostentatoire, excessive, énergique, schizophrène, inégale, comme sur le fil La voici, Marrakech, brillante sous le soleil, menacée par les violences de l’ombre, à l’image du royaume en son entier.
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