Trois questions à Azarias Ruberwa

Vice-président de la République démocratique du Congo

Publié le 5 décembre 2004 Lecture : 2 minutes.

Jeune Afrique/l’intelligent : Comment réagissez-vous aux propos du président Paul Kagamé au sujet des extrémistes hutus présents en RDC ?
Azarias Ruberwa : Cela m’inspire deux réflexions. La première, c’est que le Congo démocratique doit respecter les accords signés avec le Rwanda. La seconde, c’est qu’il faut absolument éviter une reprise de la guerre entre nos deux pays. La présence de groupes armés hutus sur le sol congolais remonte à 1994. Dix ans après le génocide, ces factions sont toujours actives. Depuis la mise en oeuvre de la transition, la décision de désarmer ces milices a été prise, mais elle n’a pas encore été suivie d’effets. C’est pourquoi le Rwanda considère ces groupes comme dangereux pour sa sécurité.
Les opérations de démobilisation des ex-combattants étaient inscrites dans les accords de Lusaka en 1999, puis dans ceux de Pretoria en 2002. Un mécanisme de vérification a été accepté par tous les protagonistes, et la conférence des Grands Lacs qui s’est tenue le 20 novembre à Dar es-Salaam a permis d’aborder de nouveau ce sujet. Maintenant, il faut appliquer ces accords. Le désarmement doit être assuré conjointement par l’armée congolaise et la communauté internationale, représentée en RDC par la Monuc.

J.A.I. : Est-ce par manque de moyens ou de volonté politique que rien n’a été fait ?
A.R. : Je présume que la volonté existe. En tant que Congolais, je sais le mal que les Interahamwes font subir au pays. Il est essentiel d’accélérer les opérations de désarmement pour les achever impérativement avant les élections. Sinon, le vote ne pourra se tenir dans les provinces du Nord- et du Sud-Kivu. Quant à la communauté internationale, elle ne manque pas de moyens. La Mission des Nations unies en RD Congo (Monuc) dispose d’un budget de 800 millions de dollars, d’une quarantaine d’hélicoptères et de tous les engins militaires imaginables. Mais elle n’a pas le mandat d’imposer le désarmement par la force dans les deux Kivus, alors qu’elle peut le faire dans l’Ituri (près de la frontière avec l’Ouganda). Il est urgent que le Conseil de sécurité de l’ONU lui donne ce mandat et lui permette de devenir une force de maintien de la paix à part entière. La paix au Congo, et au-delà, en dépend. Car il serait dangereux de croire que le problème posé par ces bandes armées est strictement congolais.

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J.A.I. : Les propos de Paul Kagamé ont contribué à jeter de l’huile sur le feu. Cela veut-il dire que la conférence des Grands Lacs qui s’est tenue à Dar es-Salaam le mois dernier a échoué ?
A.R. : Oui et non. La déclaration du président Kagamé prouve que la conférence n’a pas atteint ses objectifs. En tout cas, le problème posé par la présence des extrémistes hutus reste entier. Mais il faut laisser le temps au temps. Quant à la situation intérieur du Congo, de vives tensions interethniques persistent au Nord-Kivu et au Sud-Kivu. Les échéances électorales se rapprochent, et il reste beaucoup à faire pour l’intégration de l’armée et la sécurisation du territoire national. Mais je pense que nous devrions pouvoir respecter les délais fixés pour la période de transition.

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