Paul-Marie de La Gorce

Notre collaborateur est décédé le 1er décembre à Paris.

Publié le 5 décembre 2004 Lecture : 3 minutes.

Philadelphie. Danièle et Paul-Marie de La Gorce s’attardent aux États-Unis après la réélection de George W. Bush. Ils sont en train de quitter leur hôtel. « Attention à la marche », lance Paul-Marie, en retenant affectueusement son épouse. Et c’est lui qui tombe. Il a très mal mais n’en a cure. Il ne consulte un médecin que deux jours après. Fracture au pied. Verdict : plâtre et huit semaines de repos. « Impossible », proteste Paul-Marie, je dois être en janvier à Bagdad. Les de La Gorce retrouvent leur fille Nathalie à New York et le 10 novembre ils fêtent ensemble le 76e anniversaire de Paul-Marie.

Dans l’avion du retour, le 12, Paul-Marie, par ailleurs cardiaque, ne peut plus donner le change. On craint le pire. Et c’est en ambulance qu’il est conduit à l’Hôpital Pompidou. Il n’y restera guère et signe toutes les décharges pour sortir. Pas question de mettre en péril le voyage irakien ! Le 14, Paul-Marie est accueilli à l’Hôpital américain. Coma, opération, affection imprévue, médication contre-indiquée jusqu’à la fin, le 1er décembre. Un ami est catégorique : la décision de quitter Pompidou a été fatale.
Générosité, don de soi, ignorance du risque, décontraction, à la fois feinte et réelle, boulimie de travail On retrouve tout Paul-Marie dans ces péripéties dramatiques. Il avait non pas une, mais plusieurs vies bien remplies. On connaissait le journaliste multiforme : radio, télévision, presse écrite. Il avait débuté comme correspondant de
journaux étrangers. En pleine guerre d’Algérie, il collabore à France Observateur, l’ancêtre du Nouvel Obs ainsi qu’à L’Express dont il provoque la saisie. Directeur de la revue Défense nationale, choniqueur à l’ORTF ou à RMC, mais la palme de la longévité (ou plutôt de la fidélité) revient à Jeune Afrique où l’on trouve sa signature dès 1961.

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Paul-Marie de La Gorce était aussi écrivain. Quelques titres donnent une idée de la nature et de l’étendue de ses préoccupations. De Gaulle entre deux mondes (1963), Clausewitz et la stratégie moderne (1964), La France pauvre (1965), L’État de jungle (1982), La Prise du pouvoir par Hitler 1928-1933 (1983), La Guerre et l’atome (1985), Requiem pour les révolutions (1990). Son uvre maîtresse reste 39-45, Une guerre inconnue (1995). L’année suivante, un lustre avant le 11-Septembre, il livrait une réflexion
prémonitoire : Le Dernier Empire.
Paul-Marie de La Gorce trouvait le temps de tâter de la politique active. Ce gaulliste de
gauche avait appartenu au cabinet de Christian Fouchet (Intérieur) puis à celui d’Yves
Guénat (Information) avant de diriger le cabinet de Léon Hamon et rejoindre ensuite celui du Premier ministre Pierre Messmer (1972-1974). Les temps ont changé et, ces dernières années, il ne se reconnaissait des affinités qu’avec un Michel Jobert (disparu en 2002) ou
un Jean-Pierre Chevènement. L’attachement quasi mystique à la nation et son corollaire, l’indépendance nationale, demeuraient à ses yeux les valeurs cardinales. À Paris, PMG passait pour un « ami des Arabes ». Une pièce de musée ou une difformité à cacher. Les Arabes comptent, à vrai dire, beaucoup d’amis pas toujours désintéressés. Ce n’est pas le cas de Paul-Marie de La Gorce. Il se montrait parfois inconditionnel (on ne pouvait pas critiquer la Syrie devant lui), mais sa lucidité était rarement mise en défaut. Son amitié procédait à vrai dire de la connaissance. Lui continuait à suivre les affaires du Proche-Orient, y allait régulièrement, connaissait « les Arabes » de l’intérieur, quand la
plupart des faiseurs d’opinion se contentaient de données périmées ou carrément d’inépuisables clichés.
Et puis, il voyait juste. À propos de la crise algérienne. Alors que la poussée islamiste semblait irrésistible et l’effondrement de l’armée programmée, PMG tablait sur un redressement de la situation et un sursaut de la nation.
J’ai vu Paul-Marie avec Danièle pour la dernière fois la veille des élections américaines : « Votre pronostic ? » « Scoop : Kerry a une chance sur deux ! » Le sort de nos deux confrères otages en Irak ? Il était bien informé et gardait bon espoir. Sur la rébellion, il se montrait précis et soulignait les différences entre ses secteurs : « C’est une résistance nationale. » Ses chances de tenir le choc ? « Elles ne sont pas nulles : n’oubliez pas que c’est une guérilla menée par une armée de métier disposant d’une stratégie, d’officiers et d’hommes aguerris. » Il en dirait plus après son séjour à Bagdad. Je guetterai votre retour.

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