La dernière aventure de Philippe de Broca

Le réalisateur français, décédé le 26 novembre, a connu le succès dans les années 1960-1970 avec des films de divertissement au rythme trépidant.

Publié le 5 décembre 2004 Lecture : 3 minutes.

On ne peut guère imaginer plus belle sortie. Le réalisateur Philippe de Broca est mort d’un cancer le 26 novembre, alors que son dernier film, adapté du roman d’Hervé Bazin Vipère au poing, passait la barre du million d’entrées et signait ses retrouvailles avec le public.
Philippe de Broca de Ferrussac est né le 15 mars 1933, à Paris, dans une famille d’aristocrates un brin bohèmes. Papy était peintre, papa photographe : fiston sera cinéaste. Le bac en poche, passionné par le monde du spectacle, Philippe de Broca poursuit ses études à l’École de la rue de Vaugirard (devenue depuis l’école Louis-Lumière), dont il sort opérateur. Il s’embarque alors pour l’Afrique avec une caméra 16 mm, à la suite de l’expédition Citroën-Bosh-Lavalette. À peine revenu, il est affecté au service cinématographique des armées, en Algérie. Il y restera trois ans, vivant très mal la censure quotidienne qui s’exerce sur son travail.
De retour à la vie civile, il devient assistant réalisateur auprès d’Henri Decoin avant de se rapprocher des membres de la Nouvelle Vague. Il collabore d’abord avec Claude Chabrol (Les Cousins, Le Beau Serge, À double tour), puis avec François Truffaut (Les 400 coups). C’est d’ailleurs Chabrol qui produit son premier long-métrage, Les Jeux de l’amour (1960), avec Jean-Pierre Cassel. Mais de Broca « ne voit la vie que sous son aspect comique » et il ne se sent guère à l’aise avec le sérieux de ses contemporains. Il lui faut de l’aventure et, surtout, du rire. La rencontre avec le public aura lieu sur le terrain de la comédie : dans Cartouche, Jean-Paul Belmondo agite cape et épée pour les beaux yeux de Claudia Cardinale. Les spectateurs tombent sous le charme. Le scénario est signé Daniel Boulanger, comme celui de L’Homme de Rio et celui des Tribulations d’un Chinois en Chine – adaptation libre de Jules Verne. La recette est simple et efficace : aventures, cascades, gags, exotisme et jolies filles. Auxquels on ajoutera le charisme de Belmondo, alors au faîte de sa gloire.
En 1966, Le Roi de coeur est un double échec, critique et commercial. Le film se passe en 1918 dans un village abandonné et miné par les Allemands, où seuls demeurent les pensionnaires d’un asile d’aliénés. Il sera longtemps le préféré du réalisateur, qui se consolera de son amertume avec un incroyable succès américain : Le Roi de coeur restera dix ans à l’affiche d’un cinéma de Boston !
Avec Le Diable par la queue, de Broca renoue avec un succès populaire qui se poursuit avec Le Magnifique et L’Incorrigible. Au point que Belmondo attrape la grosse tête et se brouille avec le réalisateur qui l’a fait accéder au statut de star. La fâcherie entre les deux compères durera vingt-cinq ans.
Toujours entouré de talentueux scénaristes (Boulanger, Dabadie, Rappeneau, Sautet, Audiard), de Broca sait aussi choisir les acteurs à même de porter ses intrigues rocambolesques : Philippe Noiret, Annie Girardot (Tendre poulet, On a volé la cuisse de Jupiter), Catherine Deneuve (L’Africain) ou encore Jean Rochefort (Le Cavaleur). Pourtant, dans les années 1980, il enchaîne flop sur flop (Gitane, Les Mille et Une Nuits, Les Clés du paradis, Chouans !). Les spectateurs ne sont pas au rendez-vous et la critique l’éreinte. Il se tourne vers la télévision et réalise des téléfilms. En 1997, il revient épée à la main à ses premières amours avec Le Bossu. Un succès vite effacé par le bide d’Amazone, l’un des derniers films de Jean-Paul Belmondo. Mais tout cela est oublié : la joie de voir Vipère au poing séduire de nouveau le public permettra sans doute au « poète de la dérision », comme l’appelait François Truffaut, de rire de sa mort.

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