Abou Ghraib aux Caraïbes

Publié le 5 décembre 2004 Lecture : 2 minutes.

Le fameux « style US » que les États-Unis diffusent d’un bout à l’autre de la planète se joue décidément des frontières. Et pas seulement dans le domaine des modes vestimentaires ou musicales, mais aussi en ce qui concerne le traitement des détenus soupçonnés d’entretenir des liens avec des organisations terroristes. Des geôles de l’Irak au « Camp Delta », la principale prison militaire de Guantánamo Bay, à Cuba, les pratiques du Pentagone se révèlent tristement similaires. C’est ce que vient de révéler le New York Times du 30 novembre en dévoilant un rapport confidentiel remis au gouvernement américain par le Comité international de la Croix-Rouge (CICR), qui avait visité au mois de juin les 550 prisonniers, capturés pour la plupart en Afghanistan, internés sur cette base navale des Caraïbes.

Quelques rescapés de Guantánamo, libérés pour absence de preuves, avaient déjà témoigné des méthodes d’interrogatoires qui leur avaient été appliquées. Le CICR confirme la mise en place d’un système de recherche de renseignements fondé sur « des actes humiliants, l’isolement, des températures extrêmes et l’usage de positions forcées ». Plus concrètement : les prisonniers – souvent de simples suspects – sont ligotés en sous-vêtements dans des pièces glacées, assourdis par une sonorisation poussée à fond, aveuglés par des éclairs de lumière stroboscopique et, au choix, battus par leurs gardiens ou « seulement » harcelés sexuellement par des membres féminins des « services spéciaux » en petite tenue. Bref, « un système intentionnellement cruel et de traitements dégradants par l’utilisation d’actes humiliants », que le CICR déclare « équivalents à la torture ».
S’y ajoute, à Guantánamo, un « plus » dont les photos d’Abou Ghraib n’avaient pas (encore ?) fait état : pour mieux gérer les effets physiques et psychologiques des sévices subis par les prisonniers, une équipe de médecins, spécialistes en sciences du comportement, participe aux interrogatoires avec pour tâche d’alerter les militaires sur les points faibles ou les risques de troubles mentaux de leurs victimes. Une mission qui dénature totalement les principes de l’éthique médicale.

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Seule organisation indépendante autorisée à pénétrer dans les cellules de l’armée américaine, la Croix-Rouge s’engage, en contrepartie, à ne communiquer ses commentaires qu’aux autorités responsables du pays concerné, c’est-à-dire, en l’occurrence, aux juristes de la Maison Blanche, du Pentagone, du département d’État et au commandant du camp, le général Jay Hood. Le CICR ne confirmera donc ni ne démentira les informations publiées à la faveur de cette « fuite » journalistique.
En revanche, le Pentagone ne s’est pas privé de rejeter, le jour même de la parution de l’article du New York Times, « toute allégation de torture à Guantánamo et toute allégation de traitement incorrect des détenus ». Le département de la Défense affirme, après enquête, n’avoir découvert « aucun exemple crédible » de sévices infligés aux détenus. On n’en regrettera donc que davantage que cette mise au point indignée soit signée par un porte-parole « qui refuse d’être identifié » !

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