Trois contre un

Depuis plusieurs mois, le régime du président Idriss Déby Itno doit faire face à des colonnes rebelles de plus en plus pressantes. Parviendra-t-il à résister ?

Publié le 5 novembre 2006 Lecture : 2 minutes.

« Hadjer Meram est la plus grave défaite militaire qu’Idriss Déby Itno a subie depuis son arrivée au pouvoir », avoue l’un de ses alliés. Le 29 octobre, l’armée tchadienne est à la poursuite des rebelles de l’Union des forces pour la démocratie et le développement (UFDD) qui rentrent au Soudan après un raid sur Am Timan (voir carte). Le terrain est accidenté : bosquets, rochers, marécages. Les pick-up de l’armée se retrouvent nez à nez avec des rebelles à pied, très mobiles et lourdement armés. Bilan : au moins une centaine de morts. Dont le chef d’état-major adjoint de l’armée tchadienne, le général Moussa Sougui.
À l’issue de cette bataille, les rebelles ont le vent en poupe. Et le parrain soudanais ne leur refuse rien. Pas même des missiles sol-air. « Comme nous sommes trois groupes distincts, notre tuteur nous donne trois parts égales du gâteau », s’amuse l’un des chefs de l’opposition armée. Mais les rebelles ont un gros handicap. Ils se déchirent. Ainsi l’UFDD de Mahamat Nouri accuse le Front uni pour le changement (FUC) de Mahamat Nour d’avoir enlevé et tué deux de ses combattants en juillet dernier à El Géneina. Seul exemple de solidarité rebelle : le 15 septembre, à Hadjer Marfaïn, les Arabes d’al-Djineidi sont venus à la rescousse des Zaghawas de Timane Erdimi pour repousser une violente attaque gouvernementale. Ce fut le baptême du feu pour l’alliance Rassemblement des forces démocratiques-Concorde nationale tchadienne (RAFD-CNT).
Aujourd’hui, les trois groupes rebelles essaient de se concerter à El Géneina. Mais aucun chef ne s’impose naturellement. Qui coordonnera l’action militaire ? Et, surtout, qui gouvernera en cas de victoire ? « Il faut s’entendre avant d’arriver à N’Djamena, sinon on va se battre en ville, comme en 1979 », dit l’un des chefs rebelles. Plus la victoire leur semble à portée de main, plus les enchères montent entre eux. En fin politique, Idriss Déby Itno pourrait bien en profiter pour les attaquer l’un après l’autre. Comme le dernier des Horaces face aux trois Curiaces.
Le chef de l’État tchadien sait bien qu’il a une autre porte de sortie, beaucoup plus sûre. Il lui suffit de cesser toute aide aux rebelles du Darfour. À ce moment-là, son homologue soudanais arrêtera peut-être son soutien aux rebelles tchadiens. Le problème, c’est qu’Idriss Déby Itno ne peut pas lâcher ses frères zaghawas du Darfour. Il y va de la survie du clan, donc du régime lui-même.
Il reste une inconnue : la position de la France. Pour l’heure, elle semble résolue à continuer de faire des reconnaissances aériennes au profit de l’armée tchadienne. « Mais nous n’allons pas friser les moustaches des rebelles », dit-on à Paris. En clair, les Mirage français ne tireront pas sur une colonne rebelle, même si elle vient du Soudan. « Après tout, dans ces colonnes, la plupart des gens sont tchadiens. » À Paris, on commence à s’interroger sur la durée de vie du régime. On ne parle pas avec les rebelles, mais on estime que le dernier venu dans cette galaxie, Mahamat Nouri, est un homme « articulé ». Réflexion d’un décideur français : « Depuis un an, le pouvoir tchadien subit des vagues de plus en plus fortes. Résistera-t-il à une vague d’équinoxe ? »

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