Mort de Charles de Gaulle

Publié le 5 novembre 2006 Lecture : 3 minutes.

A quelque 200 km au sud-est de Paris, à l’approche de Chaumont, le voyageur aperçoit soudain au détour d’un virage un immense monument de granit rose érigé au sommet d’une colline. Il reconnaît d’emblée la croix de Lorraine, symbole, pendant la Seconde Guerre mondiale, de la France libre et de son chef charismatique, le général de Gaulle. C’est là, à Colombey-les-Deux-Églises, modeste bourg de cette partie pauvre de la Champagne, que l’homme qui a marqué de son empreinte l’histoire du XXe siècle a été inhumé, après être mort d’une rupture d’anévrisme, le 9 novembre 1970. Il avait 80 ans.
Selon ses vux, le Général, qui avait exprimé de longue date son refus de funérailles nationales, avait été enterré en toute simplicité. Seuls assistaient à la cérémonie sa famille, des compagnons de la Libération et des habitants de Colombey. Sur sa tombe, une seule inscription : « Charles de Gaulle 1890-1970 ». Le 12 novembre, à Notre-Dame-de-Paris, une cérémonie officielle réunissant les autorités de l’État et de nombreuses personnalités étrangères, parmi lesquelles plusieurs chefs d’État africains, lui rendra un ultime hommage.

Depuis dix-huit mois, de Gaulle vivait loin de la vie politique, qu’il avait abandonnée le 28 avril 1969 après le rejet par les Français du référendum sur la régionalisation et la réforme du Sénat. On l’avait aperçu peu après son départ se promener avec son épouse Yvonne sur les côtes irlandaises. Au début de 1970, il s’était déplacé en Espagne pour rendre visite au général Franco. Sinon, il vivait reclus dans sa propriété de La Boisserie, occupé ?à mettre la dernière main à ses Mémoires d’espoir.
Nul doute que « l’homme du 18 juin » était sorti de l’histoire de façon moins spectaculaire qu’il n’y était entré. Mais avec le même orgueil et la même volonté de se situer au-dessus des autres. Probablement dans sa retraite champenoise ruminait-il les grandes étapes de sa longue carrière publique. En juin 1944, après la Libération, il avait pris la tête du gouvernement provisoire. D’importantes réformes avaient alors été adoptées : nationalisation de grandes entreprises, mise en place de la Sécurité sociale, vote des femmes. Mais, incapable d’imposer ses vues ?à la classe politique, il démissionnait en janvier 1946.
La traversée du désert durera douze ans. Revenu au pouvoir en mai 1958 à la faveur des « événements d’Algérie », il va enfin pouvoir mettre en uvre son projet de rétablissement de la grandeur de la France. Il commence par se tailler une Constitution sur mesure. La Ve République, approuvée par référendum en septembre 1958, donne au chef de l’État l’essentiel du pouvoir exécutif. Le dispositif sera parachevé par la révision de 1962, elle aussi approuvée par référendum : le président est désormais élu au suffrage universel et non plus par le Parlement.

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Les premières années de la présidence de ?De Gaulle seront marquées par la décolonisation, la fin de la guerre d’Algérie et de nombreuses initiatives en politique étrangère, comme le retrait de la France du système de l’Otan, en 1966. Parallèlement, de grands projets industriels sont lancés comme le Concorde, la fusée Ariane, les centrales nucléaires, le paquebot France. Le général peut pavoiser : la France brille de mille feux.
De Gaulle règne en maître absolu et l’opposition ne fait plus guère que de la figuration. C’est pourquoi grande est la surprise, à la fin de 1965, lorsque, pour la première élection présidentielle au suffrage direct, il est mis en ballottage par un certain François Mitterrand. Certes, le Général l’emportera au second tour, mais le monument a été ébranlé. Il a 70 ans, et il n’a pas senti que la France, engagée dans ce qu’on appellera plus tard les « Trente Glorieuses », les années 1945-1975, a profondément changé. Mai 1968 le prendra tout autant de court. Pour reprendre la main, il ne trouvera rien de mieux que ce funeste projet de réforme constitutionnelle que les Français rejetteront, pas tant en raison de son contenu que pour lui signifier qu’il avait fait son temps.
Ce lundi 9 novembre 1970, vers 19 heures, le Général regardait la télévision lorsqu’il fut pris d’un malaise. Rapidement, il tomba dans le coma. Cinq minutes après avoir reçu l’extrême-onction, il s’éteignit. Plus qu’une page, c’était tout un chapitre de l’histoire de France qui se refermait.

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